Après le report de leur concert prévu à l'origine en juillet 2021, Morcheeba viennent enfin défendre sur scène leur dernière album,
Blackest Blue, sur lequel le trip-hop moite de leurs débuts fait place à un soul aussi élégante que légèrement convenue. Bien qu'on tienne en haute estime ce duo, on ne peut ignorer l'étrange statut qui leur colle à la peau. Malgré une carrière de plus de vingt-cinq ans, dix albums studio, des singles marquants et un style affirmé, les anglais demeurent toujours considérés comme les Poulidor du trip-hop, quatrième représentant d'un genre dominé par la sainte trinité Massive Attack, Portishead et Tricky. Cela n'empêche pas Morcheeba de faire salle comble, le public de l'Olympia à Paris ayant répondu présent, enchanté par cette réouverture des salles, qu'on souhaite enfin définitive.
La première partie est assuré par
Vona Vella, petits protégés des Libertines et auteurs d'une poignée de singles prometteurs. Impressionnés de jouer devant une telle audience, les deux jeunes anglais présentent leur pop subtile, sous influence Belle And Sébastian ou Sufjan Stevens, sans trop en faire. Encore un peu patauds et hésitants sur les planches, leur sens de la mélodie et leur désarmante maladresse font néanmoins leur petit effet. La foule, déjà nombreuse, semble sous le charme. A défaut de chauffer le public à blanc, Vona Vella lui ouvre les chakras. Détente musicale des oreilles pour les uns, petit passage au bar pour les autres, histoire de terminer les bouteilles de champagnes Tsarine commandées en trop pour les Césars.
Sur les coups de 21 heures, les lumières s'éteignent sur l'Olympia. La foule s'amasse, prête à se laisser envouter par la voix de velours de Skye Edwards et les solos de guitare de Ross Godfrey.
Morcheeba démarrent tout en douceur avec
Cut My Heart Out, morceau d'ouverture de leur dernier album. Mais admettons-le, la plupart des spectateurs est avant tout venue pour s'offrir une jolie madeleine et se dodeliner au son des grands standards 90's du groupe. D'ailleurs bien qu'intitulé « Blackest Blue Tour », la setlist fera la part belle aux morceaux de plus de vingt ans, tirés essentiellement des albums
Who Can You Trust,
Big Calm et
Fragment Of Freedom. Le dub downtempo de
Friction et le trip-hop nonchalant de
The Sea suffiront pour nous replonger d'emblée dans cette époque bénite des soirées Magic Club à la Loco ou Let's Get Physical au Pop In, ce petit bar devenu temple des amoureux de l'indie pop, tenu par l'inénarrable Denis Quelard.
Pour autant, le duo, accompagné d'une section rythmique aussi musclée qu'un biceps de Cyril Gane, ne se contente pas de livrer un simple Best Of. La plupart des morceaux seront revisités dans des versions plus électriques, alliant à merveille rythmes chaloupés et guitares saturées. On retiendra tout particulièrement la version déchainée et hallucinée de
Trigger Hippie ainsi que l'hymne
Rome Wasn't Build In A Day et sa soul solaire à la Primal Scream époque
Screamadelica, véritable point d'orgue du show et dernier morceau avant le rappel et l'inévitable
Blindfold qui viendra clôturer en beauté cette soirée.
Vint-cinq ans après leurs débuts, malgré plusieurs séparations et quelques albums dispensables, Morcheeba prouvent sur scène qu'ils n'ont rien perdu de leur superbe et que le temps n'a aucune prise sur la voix unique de Skye Edwards. Régulièrement déçus par les concerts des groupes emblématiques des années 90, qui sentent souvent la naphtaline ou la pension alimentaire à régler, nous repartirons pleinement conquis par la prestation des londoniens. Ainsi, parfois le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est bon, on est bon.