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Olivia Dean
Loyle Carner

Paris, La Gaîté Lyrique - 5 novembre 2022

Live-report par Franck Narquin

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Pour sa septième édition, ARTE Concert a vu les choses en grand et propose pas moins de trois soirées thématiques, un jeudi électro avec Sofie Royer, Superpoze et Thylacine, un vendredi indie rock avec En Attendant Anna, Wolf Alice et Blumi et enfin un samedi soir dédié aux musiques urbaines. Le festival est de nouveau logé dans l'écrin élégant de la Gaité Lyrique à Paris, temple des cultures post-internet proposant toute l'année une sélection musicale pointue et savoureuse. Cette troisième soirée s'annonce des plus alléchantes avec JFDR, sensation à la voix de cristal venue du pays de Björk, Olivia Dean, jeune diva soul anglaise, et Loyle Carner, notre petit chouchou passé depuis la sortie de son troisième album hugo du statut de rappeur à la cool à celui de poids lourd du genre.

Les festivités débutent dans le foyer historique de la Gaîté Lyrique qui a conservé son décor d'antan aussi imposant que rococo. La foule, composée essentiellement de jeunes gens arty et branchés, s'amasse autour le de la scène disposée au centre de la salle, en forme de cube noir brillant rappelant étrangement le monolithe de 2001, l'Odyssée de l'Espace et dont l'aspect minimal et moderne tranche de manière radicale avec le reste de la salle. On a beau être de bons petits parigots vite blasés, on savoure l'instant, bien heureux d'assister à un spectacle dans un tel environnement. Diffusion en direct sur arte.tv oblige, c'est avec une ponctualité toute cathodique, voir germanique, que débute le premier concert.


Les retardataires patienteront au bar (bon camarade, on ne donnera pas de nom) pendant que les autres se laisseront envouter par la pop cotonneuse et émouvante de Jófríður Ákadóttir, fille du compositeur classique Áki Ásgeirsson, se produisant sous l'alias JFDR, bien plus facile à prononcer. Seule sur scène avec sa guitare et son ordinateur, l'islandaise nous fait découvrir sous univers ultra-sensible. Il suffit de regarder les visages dans la salle, tout sourires, les yeux écarquillés et l'air happé, pour constater le pouvoir de séduction immédiat de ces douces balades à la guitare matinées de petites touches d'électroniques et portées par cette voix si pure, dont on perçoit par moment l'influence de James Blake ou FKA Twigs. Porté par un petit je-ne-sais-quoi typiquement Islandais et une interprétation très incarnée, JFDR délivre une belle prestation, lançant tout en douceur cette belle soirée qui ne fera qu'augmenter en intensité.


Respectant un timing millimétré, on a à peine le temps de payer sa tournée et de faire un tour au stand photo, que déjà Olivia Dean investit la grande salle de la Gaîté Lyrique. Avec sa scène installée au centre, il faudra bien calculer son positionnement pour ne pas assister au concert du mauvais côté. Si ce dispositif s'avère très télégénique, il n'est pas complétement optimal pour la qualité de la prestation live, l'anglaise avouant même ne pas trop savoir comment se positionner pour que tout le monde puisse profiter pleinement du show. Bien que n'ayant aucun album à son actif, la jeune Olivia Dean n'est pas une inconnue. Remarquée avec une poignée de jolis EP, on a pu déjà l'apercevoir à Rock en Seine ainsi qu'en featuring sur l'album de Loyle Carner. Accompagnée par des musiciens groovy à souhait, Olivia séduit par sa fraîcheur, sa prestance solaire et surtout par cette voix soul à la fois douce et chaleureuse. La londonienne a débuté en chantant du gospel et a été élevé aux sons des disques de Lauryn Hill et des Supremes. Cette éducation musicale se ressent dans ses compositions, car si elle connaît ses classiques, Olivia Dean propose une soul à l'ancienne qui manque un peu d'originalité. A l'écoute de son enthousiasmante reprise du cultissime Dy-Na-Mi-Tee de Ms. Dynamite, on se dit que munie d'un tel potentiel, il suffirait qu'elle ajoute un soupçon de modernité à sa musique pour s'assurer un avenir radieux.


On vérifie encore une fois au bar les horaires de passage, gardant un œil attentif sur notre montre pour être sûr de ne pas rater une miette du clou du spectacle, la grande salle de la Gaîté Lyrique étant si bien insonorisée que l'on n'entend rien de l'extérieur. Mais visiblement, à Loyle Carner, tu ne lui parles pas d'heure. Le public, venu principalement pour lui, trépigne et s'impatiente. Ce petit retard aura eu le mérite de laisser le temps aux internautes assistant au concert en ligne de passer le temps en lisant nos dernières chroniques sur soundofviolence.net et constater tout le bien que l'on pense de hugo, le sublime troisième album de Loyle Carner, fraichement arrivé dans les bacs. Dès que les lumières s'éteignent et que les premières notes de Hate résonnent, on pardonne vite ce léger contretemps, profitant d'un set de près d'une heure faisant la part belle au dernier album sans oublier bien sûr ses standards comme Damesfly ou Ottolenghi. Si Loose Ends sera interprété sans Jorja Smith (on aimerait tant les voir ensemble sur scène, pourquoi pas en février prochain à l'Olympia ?), Olivia Dean montera sur scène pour accompagner l'anglais sur Homerton et nous offrir un des plus beaux moments de la soirée. Si sa musique est devenue plus tranchante, Loyle Carner est toujours aussi laidback sur scène. Fluide et détendu, on se dit qu'il manque encore un peu d'intensité avant que le rappeur ne vienne nous donner tort en élevant tout d'un coup le niveau pour ses trois derniers titres. Loyle enflamme le public avec l'exaltant Nobody Knows et son imparable sample de gospel avant de l'émouvoir avec une interprétation a cappella de HGU dédié à son père pour finir par le faire chavirer sur le jazzy Ain't Nothing Changed.

On remercie ARTE Concert pour cette soirée qui nous aura permis de découvrir l'univers touchant de JFDR, confirmer le potentiel évident de la pépite soul Olivia Dean et s'extasier devant la maestria du grand Loyle Carner.

Photographies : © Cha Gonzalez - ARTE Concert
setlist
    Hate
    Plastic
    You Don't Know
    Georgetown
    Damselfly
    Still
    Homerton
    Blood On My Nikes
    Ottolenghi
    Loose Ends
    Nobody Knows (Ladas Road)
    HGU
    Ain't Nothing Changed
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