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Oslo Twins
The Youth Play
YABBA

Paris, Supersonic - 20 septembre 2023

Live-report par Adonis Didier

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La dernière semaine de l'été, sous la plage les pavés, et enfin le temps est venu pour le journalisme musical snob et parisien de reprendre ses droits sur cette horrible période de festivals consistant à patauger dans la poussière et la boue tout en alignant les 8-6 et les bolées de cidre. Rendez-moi mes NEIPA mangue et ma cuisine fusion hispano-bourguigno-japonaise, nous revoilà à Bastille, et plus précisément au Supersonic, pour une nouvelle édition de la soirée They're Gonna Be Big, dédiée aux découvertes musicales extraterritoriales allant du Royaume-Uni du roi Charles jusqu'à la côte ouest des Etats-Unis, en passant par le bush australien et ses meurtriers wallabies.


Un voyage à peu près aussi pratique que celui consistant à traverser Paris un jour de défilé du précédemment cité roi d'Angleterre sur les Champs-Elysées, mais ceci est une autre histoire, une histoire qui ne concerne que très peu les mystérieux shoegazers londoniens de The Youth Play, que l'on retrouve dès 20h et des poussières royales dans le toujours étincelant cadre du Supersonic Records. Un cadre qui, s'il est visuellement des plus sympathiques, n'offrira que peu de secours au son d'inspiration My Bloody Valentine des quatre anglais, ne rendant finalement qu'une sorte de bouillasse d'effets bourdonnant autour de la voix trop effacée d'un chanteur pourtant charismatique, et dont la gravité et les attitudes poseuses ne sont pas sans rappeler un certain James McGovern dublinois. Un croisement The Murder Capital x My Bloody Valentine dont je vous conseillerai toutefois la très belle After A Moment, en espérant que ce premier rendez-vous mitigé ne soit que le début d'une belle amitié éthérée.


Vous le connaissez, c'est le traditionnel changement d'ambiance, le premier de la soirée, pas le dernier ni le plus violent, et c'est parti pour passer du shoegaze brumeux de sa majesté au rock psyché made in Seattle des ricains de Spirit Award. Un début de set tranquille mené par l'homme brun à la grande moustache du nom de Daniel Lyon, compositeur, chanteur, guitariste, et pièce centrale autour de laquelle gravite le trio venu de l'état de Washington. Daniel qui, décidant que l'atmosphère était trop calme en ce début de soirée, pose la guitare pour descendre chanter dans la fosse, alors que le groupe commence à tabasser son rock country-LSD aux faux airs de Frankie & The Witchfingers. Un set tout de même plus tranquille que lors du passage des californiens de Frankie, mais dont la finale Western Violence verra Daniel Lyon slamer sur la foule avec sa guitare, et on suera autant de sauter dans la fosse que de porter la grande carcasse du moustachu de Seattle pendant deux minutes.


Retour au calme et au Supersonic Records, alors que les tout-jeunes membres des Oslo Twins de Bristol rentrent sur la scène pour leur toute première date en France. Une seule chanteuse blonde, le nom était donc mensonger, et quatre autres membres qu'il n'est pas si facile de caser sur la petite scène. Le set démarre par la lourdeur teintée de trip-hop de The Edge, passe par des états de douceur et de mignonneries dream pop avec Back To Nothing, se retrouve dans l'espace lorsque le bassiste troque l'instrument à cordes pour un clavier supplémentaire sur Circe, et l'on finit enchantés et sautillants sur la dance dream pop de Miss Yesterday. Quelques tentatives tout à fait honnêtes de français pour promouvoir l'EP Back To Nothing sorti cet été, et voilà un set extrêmement plaisant conclu par une reprise du White Rabbit des Jefferson Airplane, reprise qui va me permettre d'enfin vous expliquer pourquoi Jack Casady est un bassiste de génie, Jorma Kaukoken le meilleur guitariste de l'ère psychédélique devant Clapton et Hendrix, et Grace Slick la plus grande chanteuse de l'histoire du rock n'roll. Non, je plaisante, comme je ne vous expliquerai pas non plus pourquoi White Rabbit était sans doute le choix de reprise le plus casse-gueule de toute leur discographie.


Et pourquoi ça ? Parce que c'est l'heure de YABBA ! Vendus depuis quelques semaines par l'équipe du Supersonic comme l'un des groupes les plus dingues qu'ils aient jamais vus en live, si on est ici ce soir c'est avant tout pour voir le phénomène en action, et quand on parle de phénomène... Josh Kirk, chanteur de son état, débarque sur scène torse nu, No Surrender tatoué sur le bide, les doigts du milieu déjà levés. Une sorte d'Eric Cartman du sud de l'Ecosse vociférant dans un micro en état permanent de combustion saturée. Un bonjour, deux notes, trois coups sur la batterie, stop. Pogo !
YABBA c'est un bulldozer noise-punk driftant à 180 kmh sur l'autoroute reliant Glasgow à Dumfries, un boulet de démolition fait de haggis compacté traçant en ligne droite dans les vitres de la bourgeoisie locale. Trente minutes de bordel total pas sans rappeler les nord-irlandais d'Enola Gay, déjà croisés en avril de cette même année en clôture de la douzième édition de la même soirée. Trente minutes de bordel total dans lequel on reconnaîtra, au milieu des jets de bière et de la vapeur d'être humain, les deux seuls singles pour le moment disponible de cette bande de fous furieux : Jawbone, récupération punk des délires bluesy du Captain Beefheart, et l'indescriptible Get By. Moment fou furieux parmi les moments fous furieux, auto-décrite comme la bande-son dont Stone Cold Steve Austin avait toujours rêvé (oui, le catcheur chauve de cent-vingt kilos qui pliait des canettes de 44 dans sa main pour les boire en guise de célébration), voilà qui vous en dit long sur l'état mental de Korey Patterson, Elias Muusavi, Max Thompson, et le désormais fameux Josh Kirk, capitaine mon capitaine au cerveau détraqué descendant se battre dans une fosse aux allures de bloody fight club clandestin organisé dans une conserverie de poisson de la banlieue de Glasgow.
L'ouragan YABBA a tout détrempé sur son passage, encore un groupe signé chez Nice Swan Records, encore une masterclass, ces mecs ont les meilleures oreilles d'outre-Manche, et nul doute qu'un futur EP de leurs nouveaux poulains nous mettra une branlée à la hauteur de chaque sortie d'Opus Kink ou d'Hallan, et avant eux Sprints, Deadletter, Courting ou Sports Team.


Bref, difficile de se remettre les idées en place, on est trempé, on prend une bière, un thé glacé, et une bonne dose du rock kangourou des australiens de Floodlights, breuvage feel good fleurant bon la pop-rock des Beths, la terre rouge du bush, et la plage pleine de surfeurs chantée par les Grogans. De quoi rouler des heures dans le soleil couchant, à travers la Wide Open Land, jusqu'à l'océan, jusqu'au bout du monde, un bout du monde qui pourrait arriver plus vite que vous ne le pensiez si vous ne prenez pas garde à esquiver les kangourous.

Le set se conclut à 23h30 sur Lessons Learnt, et de toutes les leçons apprises aujourd'hui, une seule nous restera vraiment en tête : YABBA, YABBA, et encore YABBA ! Non, YABBA à dire, c'était vraiment une bonne soirée !
setlist
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