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The Murder Capital
SOAK

Paris, Cigale - 17 octobre 2023

Live-report par Adonis Didier

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Bonjour et bienvenue à ce quatrième concert parisien de l'année de The Murder Capital, des irlandais qui se plaisent visiblement assez en France, et tout particulièrement dans sa capitale. Des irlandais pas venus à la Cigale pour le rugby mais bien pour nous faire… revivre plus que découvrir leur musique que l'on connaît maintenant très bien. Ce qu'on va découvrir par contre, c'est la musique de leur presque compatriote et sans doute bon pote SOAK, nord-irlandais (pronom iel si vous voulez tout savoir) officiant depuis une petite dizaine d'années en solo dans une pop-folk intimiste et délicate aux airs de Phoebe Bridgers. Un premier album sorti en 2015 à dix-neuf ans, deux fois plus d'années de carrière et deux fois plus d'auditeurs Spotify que The Murder Capital, mais c'est bien la première partie, allez comprendre comment le business marche !


On profitera en tout cas posément de la petite demi-heure de musique tout en traumas et en coton que Bridie Monds-Watson est venu nous offrir, seul avec sa guitare face à une foule pas si full que ça sur les coups de vingt heures. Une suite de chansons ornées de la sublime voix de SOAK dans le dépouillement le plus total, un dépouillement total toutefois peu à propos pour un public venu surtout, ne nous mentons pas, pour les rejetons les plus dramatico-dramatiques de la scène post-punk. Pas trop de surprises donc à entendre le fond de la salle qui se raconte la journée sur fond d'accords folk et de touchantes lamentations, et l'on se dit avec les collègues qu'une rythmique et un violon auraient sans doute été du plus bel effet aux côtés d'une telle voix. SOAK va ceci dit nous remercier de notre gentillesse et du « silence » que l'on observe respectueusement, pour vous dire à quel point même le parisien impoli apparaît sympathique quand vous avez déjà vu des concerts dans certains pays (je ne vous pointe pas du doigt les espagnols, mais bon quand même).
Quelques éclats de guitare cristalline plus tard, SOAK nous apprend qu'iel est venu à Paris pour manger des croissants toute la journée, tout en s'assurant que les viennoiseries ne sont pas qu'une nourriture programmée pour les touristes. Ce à quoi on répondra que non, même si à deux heures du matin, le vrai parisien mange mange plutôt un kebab-halloumi qu'un pain au chocolat. Bleach, B A noBody ou I Can't Make You Love Me, SOAK nous a à la fois donné trop et trop peu ce soir dans un contexte des moins adaptés, contexte que l'on espérera plus favorable pour un prochain passage dans l'hexagone que l'on ne manquera pas d'aller voir, histoire de se faire un vrai avis musical sur une voix qui ne perdra sûrement pas de sa superbe d'ici-là.


La première partie glissant son dernier accord, la salle de la Cigale se fait finalement presque pleine, enfin si l'on excepte que le balcon a été fermé pour augmenter la densité en fosse. Une caractéristique d'une tournée de The Murder Capital pas franchement pleine, conséquence d'une trop conséquente présence live depuis le début de l'année, d'un deuxième album plus difficile d'accès, ou de prix jugés trop élevés notamment en province : les hypothèses vont bon train, la police investigue toujours, et quant à nous, on observe une salle à la moyenne d'âge pas bien élevée si l'on doit comparer au passage à la Boule Noire d'il y a maintenant quatre ans ma bonne dame. Effet Peaky Blinders et chanteur brun ténébreux irlandais, nous ne jugerons pas ici les goûts féminins en vogue durant les années 20 qui semblent se répéter d'un siècle à l'autre, car si nous sommes là c'est pour juger de la musique et de la prestation scénique, celle qui se prépare quand les lumières se baissent, et que se lance Bonnie And Clyde dans le jukebox de la Cigale. Serge Gainsbourg d'un côté, Brigitte Bardot de l'autre, et plus d'un les a suivis en enfer, quand sont morts Barrow et Bonnie Parker.

Et alors que les étoiles des sixties quittent la scène, c'est la rythmique industrielle lancinante de The Stars Will Leave Their Stage qui répond à leur soudaine absence, absence comblée par l'entrée en scène de Gabriel Blake, blouson noir, lunettes noires rétro-futuristes, carrure cubique et tankée de plus en plus proche de celle d'une machine à laver, et membre à plein temps des Poseurs Capital, une appellation qu'il ne fera pas mentir tant il enchaînera les poses avec dédain pendant deux minutes avant d'enfin aller chercher sa basse ! On passera sous silence le ridicule bob à motifs vache façon Jamiroquai arboré par le guitariste Cathal Roper pour se consacrer en priorité à James McGovern, frontman et attraction live principale de The Murder Capital. Un chanteur faisant de suite sentir sa présence scénique dans la lourdeur de cette introduction qui semble en passe de devenir un classique du répertoire, et un son brouillon qui commence lui aussi un devenir un classique de début de live. A Thousand Lives n'arrangera guère une voix bataillant dans les nappes de synthés, mais déclenchera les premières secousses annonciatrices de la catastrophe, avant que le groupe ne trouve de bon ton d'envoyer Return My Head retourner une première fois le devant de la fosse.


Le foutoir ne touche pour l'instant qu'une dizaine de fans inconditionnels fixant McGovern comme Jésus ressuscité, on hurle déjà avec une voix qu'on a perdu, le nouveau single Heart In The Hole nous offre une fin sous forme de classique instantané, le son a l'air meilleur, mais est-il vraiment notre problème maintenant que James s'est véritablement mis en route et harangue à tout va un public chauffé à blanc, pas prêt de redescendre dans la houle de Crying, dernière chanson de cette première partie de concert dédiée aux plus récentes productions du groupe. Le deuxième album Gigi's Recovery était plus calme et mystique que son prédécesseur ? Tant mieux, c'est l'occasion de faire monter la sauce dans les nerfs d'une fosse qui n'attend désormais plus qu'une chose : en avoir plus.
« More, more, more », mais comme dit à Dublin, More Is Less. Une chanson d'émeute, une ouverture de fosse, et un tourbillon de bras dans un espace trop petit pour en contenir autant, James est en furie, le groupe suit le mouvement, le public monte sur scène, saute dans la foule, et embarque accessoirement le microphone d'un chanteur se réjouissant d'avoir mis pareil bordel dans la luxueuse salle de la Cigale. For Everything poursuit la cavalcade, le tourbillon s'étend, les zones sûres ne sont plus sûres, mais le groupe reste en place, concentré, poussant droit devant lui les yeux exorbités, jusqu'à la grâce d'une communion voyant la salle reprendre « for everything, for nothing » tous poumons dehors, ouvrant naturellement la voie à jouer On Twisted Ground, chanson évoquant avec tristesse le suicide d'un ami, dont la performance de leur premier passage parisien restera pour beaucoup un frisson gravé dans la moëlle. Une émotion palpable qui submerge encore une fois la salle, tout comme James et Gabriel, nous laissant sur des halètements, des pleurs, et deux hommes se prenant dans les bras pour surmonter une situation qui continue visiblement de les traumatiser soir après soir.

Des applaudissements spontanés du public, un public qui donnera de la voix en chœur sur Ethel, chanson prouvant combien The Murder Capital ont grandi et se sont assagis sans perdre de leur puissance évocatrice. Des nuées de « tight ! tight ! tight ! » et de « high ! high ! high ! » montant vers un plafond d'étoiles, et vient le retour à la folie brute de When I Have Fears pour un final explosif enchaînant Feeling Fades et Don't Cling To Life, deux hymnes rebels et flamboyants finissant d'attaquer la santé mentale de l'auditoire, alors qu'un dénommé James McGovern se jette sur une foule déversant ses ahanements dans les embruns de brutalité d'un groupe enfin arrivé à maturité.
Ne t'accroche pas à la vie, mais plutôt à la chemisette du chanteur, un chanteur passé avec son groupe d'une bande de chiens fous à des poseurs toujours plus ténébreux pour se rapprocher pas à pas de ce que l'on pourrait décrire comme des bêtes de scène. Des bêtes de scène ayant encore besoin d'une foule dévouée pour les maintenir dans l'intensité, et que leurs yeux se fixent sur notre rétine plutôt que sur celle d'une caméra, mais il n'empêche que les Dublin boys ont parcouru du chemin, un chemin qu'ils continueront d'arpenter lors d'un très probable retour pour un probable troisième album, lors duquel ils se produiront sans doute pendant plus d'une heure dix sans rappel, parce que vu comme c'est bon, autant que ce soit un peu plus long.
setlist
    SOAK
    Non disponible

    THE MURDER CAPITAL
    The Stars Will Leave Their Stage
    A Thousand Lives
    Return My Head
    Heart In The Hole
    The Lie Becomes The Self
    Crying
    More Is Less
    For Everything
    On Twisted Ground
    Gigi's Recovery
    Green & Blue
    Ethel
    Feeling Fades
    Don't Cling To Life
photos du concert
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