Cette tournée de Brian Eno est exceptionnelle car elle est sa toute première en cinq décennies de carrière solo. Cette série de concerts baptisée « Ships » est une commande de la Biennale de Venise dont la première représentation avait été donnée au Teatro la Fenice le 21 octobre dernier.
C’est donc logiquement que la soirée est centrée autour de l’album
The Ship, débutant par le morceau-titre avant de se poursuivre par
Fickle Sun (I), Fickle Sun (II) The Hour Is Thin et
Fickle Sun (III) I’m Set Free. On est plus près ici de la musique classique que du rock (sauf pour le dernier titre), le rendu est très beau, parfois même majestueux, et Kristjan Järvi est un chef d’orchestre qui en impose par son élégance naturelle. C’est d’autant plus beau que si la musique classique peut-être belle, elle est souvent figée sur scène.

Aujourd'hui, non seulement les musiciens ne sont pas statiques, mais ils créent une chorégraphie superbe qui fait penser à un ballet nautique dans l’esprit de la musique de Brian Eno.
Fickle Sun (III) I'm Set Free, très belle reprise du
I’m Set Free du Velvet Underground, sonne entre classique et pop pour un résultat tout simplement merveilleux.
La seconde partie du concert s’éloigne un peu de la musique classique, embrassant des territoires plus ambient et électroniques, genres de prédilection du musicien. Elle débute par un splendide
By This River, tiré du classique
Before And After Science, qui sera le seul ancien titre de Brian Eno joué ce soir. Si la musique de l’anglais est sérieuse, le musicien ne manque pas d’humour et plaisante avec le public à propos de sa voix qui déraille à cause d’un mauvais rhume. Humaniste, comme on le sait, il s’interroge sur le sens de donner des concerts à un moment où la Palestine est à feu et à sang (ndlr : tous les profits du merchandising du soir iront d’ailleurs à des associations d’aide aux Palestiniens).

Eno nous offre
Who Gives A Thought de son lumineux dernier album
Foreverandnevermore sorti l’an dernier et
And Then So Clear de
Another Day On Earth, deux titres qui se marient et se répondent parfaitement. Le concert s’achève et l’on se dit alors que cela ne peut s’arrêter là. Heureusement Eno et le The Baltic Sea Orchestra reviennent très vite sur scène pour un rappel avec deux nouveaux titres extraits de
Foreverandnevermore :
Making Gardens Out Of Silence et
There Were Bells, deux morceaux planants et lumineux qui donnent l’impression de flotter en apesanteur ou de plonger au fond de l’océan.
On sort de ce concert émerveillé par tant de beauté. Brian Eno a soixante-quinze ans mais sa musique est celle d’une jeunesse éternelle, d’une ode à la vie.