Double, double peine et ridule, le feu brûle et le chaudron bubulle. Quelques gouttes de cigüe, de la bave de sangsue, un scorpion coupé très fin, et un peu de poivre en grain. Dans un petit plat à part, tiédir du sang de lézard, la valeur d'un dé à coudre, et un peu de sucre en poudre. Puis versez la mort au rat, dans du venin de cobra, pour adoucir le mélange, pressez trois quartiers d'orange. Double, double peine et ridule, le feu brûle et le chaudron bubulle.
Si cela n'était pas encore assez clair, ce soir est le soir du Sabbat, et pas celui où on n'utilise pas l'électricité, mais bien celui où on invoque le diable. Enfin, comme on est sur la péniche de Petit Bain à Paris, les chances sont non-négligeables que, plutôt que le diable, on finisse par déranger Cthulhu, mais ceci n'est pas trop le souci de
Witchorious, trio français de doom metal qui ouvre la soirée de manière aussi inattendue qu'intéressante. Un retour aux sources du doom revisitant et complexifiant la formule Black Sabbath (la chanson), et un groupe qui réussit à sonner à la fois lourd et dynamique, pas une mince affaire quand on sait comme il est facile de se perdre en longueur lorsqu'on commence à mixer musique lente, lourde, et progressive.
Mais si l'on a de nouveau sorti la grand-voile, ce n'est pas pour vous parler métal français mais bien sorcières et magie noire, un thème visiblement assez porteur chez les millenials, puisqu'une bonne partie de la salle aura ce soir moins de trente-cinq ans, et on ne dit pas non après l'expérience Sleaford Mods de la veille ! Un public venu acclamer
The Wytches, groupe qui semble vieux mais sans l'être, mais en même temps quand tu te lances dans le garage-psyché-gothique, quelle que soit l'époque, ça aura toujours un petit goût d'années 90. Mais pas le temps de replonger dans les souvenirs émus et rougissant d'heures à regarder Sabrina ou les sœurs Halliwell, puisque les sorcyères sont là pour faire bouillir la marmite, à trois de front et
Zep Step dans le chaudron. Un sort imparable, de ceux qui ont fait la réputation du groupe, et plus que de la magie noire on parle ici d'un bâton de dynamite psyché et garage à même de réveiller les morts les plus enterrés du cimetière.
Un Petit Bain pas plein mais correctement rempli qui nous permet de vivre l'expérience en toute détente, et voici venu le temps de la lourdeur et du mysticisme.
Who Rides et
Bats s'enchaînent malgré un son un poil brouillon,
Meat Chuck rajoute du bordel au bordel, mais heureusement
Something To Fall Back On nous rappelle toute la qualité sombre du dernier album défendu ce soir :
Our Guest Can't Be Named. Un nouveau disque intégrant officiellement la batteuse Demelza Mather comme quatrième membre après le départ en 2019 de Gianni Honey.
On continue avec la poisse grunge de
Maria, chanson tout droit tirée du
Bleach de Nirvana, qui nous montre en comparaison de la suivante
Darker à quel point les Wytches sont devenus matures dans leur composition, moins originaux aussi, mais bien plus cohérents et posés. Des sorcières qui se ramollissent ? Que nenni, et ce même si c'est l'ancienne
Gravedweller qui lance les premiers mouvements dans une fosse qui s'impatientait de rester les pieds au sol. La fameuse formule garage-psyché traçant à 250 au-dessus de l'autoroute sur son Nimbus 2000, juste avant le retour à la promo du nouvel album : la belle et puissante
Sloped Old Tower, la surf-magic dépressive
Unsure, les coups de butoir mystiques de
Bill Blood, tout y passe jusqu'au retour à la fameuse formule des débuts,
Digsaw.

Nouvelle occasion de mettre le bronx, une occasion rêvée par une foule venue toute ou partie pour cette chanson, et on ne sera pas déçus de l'ambiance. Les chauves-souris volent, les chats noirs aussi visiblement, et les guitares découpent à la tronçonneuse les offrandes pour le dieu sombre. Des viscères répandus dans le
Three Mile Ditch menant tant au sacrifice du curé qu'à la pendaison de la sorcière, une lente procession n'amenant qu'à empiler les cadavres, toujours plus haut, jusqu'à toucher du doigt le paradis, perché au sommet de marches d'os fondues dans les chairs en décomposition.
Le groupe reviendra pour un bref rappel avec
Beehive Queen, une fin anti-climatique à un concert lugubre, sombre, et sobre, donné par des musiciens très réservés, cachés la majeure partie du temps derrière leur tignasse noire de jais. Un concert d'une heure seulement en forme de belle porte d'entrée dans l'univers de The Wytches, mais pour qui en attendait un point d'orgue suivant l'excellent album sorti en septembre, on pourrait parler de semi-déception. Ceci dit, ça ne nous empêchera pas d'y retourner, et pendant ce temps-là, Iä, Iä, Cthulhu fhtagn.