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Depeche Mode

Paris, Accor Arena - 5 mars 2024

Live-report par Emmanuel Stranadica

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Après une tournée des stades, Depeche Mode s'est lancé, comme souvent, dans une série de concerts dans des salles de grande envergure. Ce 5 mars marquait la seconde des deux dates à l'Accor Arena de Paris, évidemment sold out depuis belle lurette. Les Anglais remplissent à vitesse grand V cet endroit qu'ils connaissent bien pour s'y être produits un nombre de fois conséquent. C'est d'ailleurs malheureusement la seule salle française où la bande à Dave Gahan se produira, sur ce qui semble être la dernière partie de la tournée Memento Mori.

Sur ces deux dates, c'est l'Australienne Suzie Stapelton qui est venue chauffer l'assistance. À 19h45, elle entame son set en format trio. Tout de noir vêtus, l'ensemble interprète des morceaux à tendance sombre avec des mélodies brutes. Les guitares rugissent et la batterie est dynamique. La chanteuse, telle une prêtresse gothique dans sa robe noire, ensorcèle l'audience de sa voix puissante. La performance est d'autant plus remarquable qu'il n'est pas aisé d'ouvrir pour un tel groupe, surtout dans une salle déjà copieusement garnie à ce moment là. Osant un morceau quasi a capella (seuls quelques rares coups de batterie accompagnent Suzie) dans ces conditions, on ne peut que lui tirer notre chapeau. Ce sont trente minutes au total qui ont relativement séduit l'audience; les trois musiciens peuvent être fiers de leur prestation. Une fois sortis de scène, c'est un DJ set, probablement composé par Martin Gore, qui couvre la dernière demi-heure avant le show très attendu. La techno est de mise avec Samuel L. Session & Van Czar, Sandro Galli ou encore Tsibo.

Soudain, la musique s'interrompt, les lumières s'éteignent et les notes de Speak To Me résonnent dans la salle, pleine à craquer. Martin Gore, Peter Gordeno et Christian Eigner investissent la scène et entament dans la semi-obscurité My Cosmos Is Mine, morceau d'ouverture de leur dernier album. Dave Gahan apparaît alors. Élégant, vêtu d'une veste claire scintillante, de chaussures blanches, d'un pantalon, d'une chemise et d'un gilet noir, les cheveux en arrière, le chanteur effectue une petite révérence devant le M situé au fond de la scène, qui se remplit progressivement de blanc tout au long de la chanson. La voix de l'Anglais se conjugue parfaitement avec l'atmosphère de noirceur de la composition. La lumière va toutefois faire son retour : Wagging tongue qui suit l'illustre parfaitement. Dave Gahan commence alors à arpenter la scène, une habitude qu'il maintiendra pendant deux heures et dix minutes. Le son est impeccable, la voix grave du crooner s'y intègre magnifiquement. Il est clair que nous allons assister à une performance bien plus intense que celle du Stade de France en juin 2023. Dave laisse rapidement tomber sa veste et, tel un showman, va se donner à fond sur les classiques qui s'enchaînent.

Walking In My Shoes est interprété dans un rouge sang. Martin retrouve sa guitare, Peter distille des notes synthétiques au clavier, et Christian martèle sérieusement sa batterie. Dave, toujours entre provocation et clin d'œil, fait résonner la puissance de sa voix dans la salle, parfois jusqu'à la transe, tout en jouant avec son pied de micro de manière très suggestive. Sur It's No Good, il se lance dans une danse folle, et le groupe procure une bien meilleure interprétation qu'en juin dernier. Sur Policy Of Truth, Dave adopte cette fois une attitude de poseur, mais c'est la puissance dégagée par l'ensemble du groupe sur In Your Room qui captive toute l'Accor Arena. Le morceau se conclut sur un "Thank you" hurlé par le chanteur. L'excitation du public atteint son paroxysme lorsque Depeche Mode entament le grand classique Everything Counts. La version remaniée est d'une excellente facture, Dave se rend pour la première fois sur l'avant-scène et se livre à une danse sexy pour le plus grand plaisir des spectateurs de la fosse carrée or.

L'intensité est palpable. Precious apaise momentanément l'excitation. My Favorite Stranger, morceau de choix extrait de l'album, dégage une atmosphère sombre et électrique et procure quelques frissons. Après le départ de Dave et Christian de la scène, Martin et Peter s'appliquent à deux versions épurées au clavier de Strangelove et Heaven. Martin, avec une démarche nonchalante, se dirige vers l'avant-scène, laissant éclater sa voix cristalline pour le plus grand plaisir de l'audience. Les deux membres reviennent ensuite sur scène, Dave incitant la foule à applaudir Martin et sa voix angélique. Il présente ensuite les deux autres musiciens avant que le groupe n'entame Ghosts Again, dernier extrait de Memento Mori. Ce single au style New Orderien fait mouche dans la salle. Dave arbore maintenant juste un gilet noir à l'avant et turquoise à l'arrière. Sur un fond rougeoyant, le groupe livre une version enflammée et électrique de I Feel You, un moment marquant de ce concert. L'intensité reste constante pendant cette seconde moitié de spectacle. Si A Pain That I'm Used To est réussie, c'est surtout l'interprétation remarquable de Behind The Wheel, dédiée à Andrew Fletcher, qui captive l'audience. Black Celebration et Stripped, deux pièces maîtresses de leur cinquième album, s'enchaînent, offrant une émotion particulière aux fans nostalgiques des années 80.

Le temps file dans l'atmosphère électrique de la salle. L'heure quarante de concert magistral est scellée par John The Revelator et le légendaire Enjoy The Silence. Dans l'attente du retour des quatre artistes, la salle s'illumine des lueurs des téléphones portables. Moins de cinq minutes plus tard, les voici revenus pour une petite demi-heure supplémentaire d'intensité. La version intimiste de Waiting For The Night, avec Dave et Martin en avant-scène, conclue d'un extrait envoûtant de Riders On The Storm des Doors, touche profondément l'auditoire. Mais c'est l'un de leurs premiers singles, Just Can't Get Enough, qui rallume la flamme de l'Accor Arena, créant une communion palpable entre Dave et le public. Never Let Me Down impressionne par son énergie inépuisable. En apothéose, le blues-rock ensorcelant de Personal Jesus vient achever avec panache le second acte du groupe de Basildon à Paris.

Ce concert de Depeche Mode, à la fois puissant et ensorcelant, aura été une véritable réussite. Le quatuor, a su charmer un public déjà acquis à sa cause, mais qui attendait beaucoup de lui. Difficile d'imaginer de devoir renoncer à ce moment, car à l'origine le groupe n'avait pas prévu de faire une tournée des salles après les stades. Cela aurait été un immense gâchis de ne pas avoir pu profiter d'une telle performance live dans une salle qui semble faite sur mesure pour eux. "See you next time !" comme l'aura dit Dave avant de quitter la scène.
setlist
    MY COSMOS IS MINE
    WAGGING TONGUE
    WALKING IN MY SHOES
    IT'S NO GOOD
    POLICY OF TRUTH
    IN YOUR ROOM
    EVERYTHING COUNTS
    PRECIOUS
    MY FAVOURITE STRANGER
    STRANGELOVE
    HEAVEN
    GHOSTS AGAIN
    I FEEL YOU
    A PAIN THAT I'M USED TO
    BEHIND THE WHEEL
    BLACK CELEBRATION
    STRIPPED
    JOHN THE REVELATOR
    ENJOY THE SILENCE
    ---
    WAITING FOR THE NIGHT
    JUST CAN'T GET ENOUGH
    NEVER LET ME DOWN AGAIN
    PERSONAL JESUS
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