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Fat Dog
mary in the junkyard
Bingo Fury
Lambrini Girls

Paris, LE CENTQUATRE - 1er mars 2024

Live-report par Adonis Didier

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Emporté par le tourbillon trublion de la vie parisienne, le chroniqueur peine à dégager du temps pour écrire, alors pardonnez-lui cette brusquerie, mais là il va s'agir d'être efficace. Oui, comme César et Alain Delon avant lui, le chroniqueur parle de lui-même à la troisième personne du singulier, parfois à la première du pluriel quand il est beaucoup dans sa tête, mais à la différence de César et d'Alain Delon, le chroniqueur est ce soir de retour au CENTQUATRE pour la suite des Inrocks Festival, et malheureusement pour lui sa seule piscine sera la piscine à boules de l'espace lounge/VIP aménagé entre les salles 200 et 400 où on se fait la bise.

Deux salles, un recoupement horaire douteux (le « gros » concert de la 400 qui commence quinze minutes après celui de la 200), et de nombreux aller-retours à venir en esquivant la masse de « professionnels de la musique », venus là plus pour se faire offrir des verres de blanc et réseauter que pour écouter de la musique. Heureusement, quelques préservatifs sont mis à dispo dans l'espace lounge pour les négociations contractuelles corsées, mais il serait temps qu'on commence à parler musique, parce que pour un mec qui devait faire vite tout ça devient quand même sacrément long.


Et on commence tout de suite par un gros coup de cœur, mary in the junkyard. Pour eux, ce sera la salle 200 : pas grand-monde à l'horizon, mais sur scène un magnifique trio impressionniste mêlant le folk traditionnel des îles britanniques aux mouvances actuelles shoegaze et dream rock, glissant d'arpèges mystiques en lourds riffs tordus et distordus. Le rythme s'égare sous les frappes de David Addison, et la mélodie se perd dans un labyrinthe de voix et de violon rappelant les sublimissimes albums de Rachel Sermanni. Pour un groupe à deux singles, le projet de Clari Freeman-Taylor, Saya Barbaglia, et David Addison nous promet déjà monts et merveilles, comme si NewDad se mettait en tête de coucher sur une partition chaque arbre à fée courant le long des vals de Brocéliande. C'est donc la mort dans l'âme que l'on abandonne mary in the junkyard avant la fin de leur set, car il est temps de se la coller une nouvelle fois au Lambrini, et pas question de se prendre un petit verre.


Tout au goulot, le mot d'ordre des Lambrini Girls, des girls que l'on savait déjà tout particulièrement distinguées et pleines de savoir-vivre, tant et si bien que Phoebe Lunny attendra tout de même Mr Lovebomb pour enlever sa robe et finir en soutif et shorty, un peu de respect ! Mr Lovebomb, le début du bordel où Phoebe saute dans le public, Terf Wars est l'occasion d'insulter J.K. Rowling et tous les transphobes, un wall of death, un giga pogo, Lads Lads Lads envoie un circle pit de l'enfer, en même temps vous saviez où vous mettiez les pieds. Les Lambrini Girls sont des émeutières punk sans aucun respect pour l'ordre établi, en combat perpétuel face à l'hégémonie du masculin dominant, et comme le hurlera Lilly Macieira avant Boys In The Band : « si vous voyez un abus quel qu'il soit et que vous ne faites rien, vous faites partie du problème ! ». Un combat que l'on espère pas perdu d'avance, mené directement dans la fosse aux lions sur Craig David. Souvenez-vous, quand je dis Fuck vous dites Darmannin, et quand je dis Lambrini vous dites Girls !


Des propos transgressifs, tabous, nectar du rock critic parisien, tout émoustillé d'avoir été décoiffé par de jeunes marxistes dissidents, une espèce exotique comme on en voit pas au jardin des plantes. Un rock critic parisien qui sera nettement moins dépaysé devant Bingo Fury et une musique de bingo jazzy du dimanche aprem à Saint-Germain, si ce n'est que même la furie animant des vieux qui s'écharpent pour savoir si le speaker a dit soixante ou quarante-huit n'aura pas cours ce soir. Une musique lounge entre Black Country, New Road pour la partie foutraque et jazz, Yard Act dans la déclamation de paroles, et The Murder Capital pour les airs de poseur cool du rouquin à col roulé Jack Ogborne. Un cocktail plutôt sympa dans l'idée, mais sans dynamisme ni cohérence palpable. Comme, en plus, je déteste Black Country, New Road, on s'esquivera plutôt vite de l'expérience pour enfin découvrir la « sensation live » londonienne de ces derniers mois, les Massimo Gargia du game canin, j'ai nommé Fat Dog.


Après un dernier passage à Paris marqué par un show pas convaincant donné au Supersonic pour les soirées Avant-Garde du Pitchfork Music Festival, le chien gras sera-t-il ce soir un teckel obèse ou un dogue allemand de la taille d'un ours ? Premier élément de réponse, un mec déguisé en russe qui hurle des trucs peu cohérents en français. Ok, vous êtes chelou, on a compris, mais maintenant c'est quoi la musique ? Deuxième élément de réponse, un DJ-saxophoniste rentre, un chanteur-guitariste l'accompagne, en même temps qu'un bassiste et un batteur, et nous voilà embarqués dans un soulèvement de techno boum-boum surmonté de post-punk. Notre nouvel ami de l'armée rouge descend danser dans la foule, le groupe occupe parfaitement la scène, gère ses montées et ses descentes, et change en un instant la salle 400 en une rave illégale du milieu de la Seine-et-Marne, un bourbier rempli d'ecstasy et de pilules de toutes les couleurs lorsque All The Same se met à cracher dans les caissons de basse. Le tout premier single King Of The Slugs poursuit et s'étire sur dix minutes, le temps ralentit, s'accélère, les images défilent devant nos yeux hébétés, la foule s'ouvre en deux, le chanteur Joe Love, depuis reconverti en Moïse, parcourt le lit de la mer Rouge, haranguant les poissons échoués qui dansent autour de lui, jusqu'à refermer l'océan d'un cri, d'un geste de rage sur les troupes de pharaon.
La fin du set restera à l'image de son début, de gros couplets de techno boum boum agrémentés de mélodies orientales à tendance épique, et une fosse qui hurle et saute toujours plus haut, comme pour toucher du doigt le divin, et au passage lui demander si le sens de la vie c'était bien de finir niveau max sur League of Legends. Alors oui, plein de gens détesteront Fat Dog et leur musique sans queue ni tête, oui il est possible que l'album à venir ne soit guère capable de sortir de la formule des deux premiers singles, mais au fond qu'est-ce qu'on s'en fout quand on a passé un aussi bon moment devant un groupe qui, quand on lui donne l'espace et la sono pour le faire, sait tenir et faire exploser une foule pendant cinquante minutes sans aucun problème ?


Maintenant qu'on en a fini avec tous nos copains d'Outre-Manche, nous voici enfin libres pour tester la piscine à boules et les verres de champagne ! Ah non pardon, ma photographe et baby-sitter venue me sortir de la piscine VIP à coups de pompe dans le derche me rappelle qu'elle ne sera pas la seule à aller voir Rallye, a.k.a la réincarnation du boys band d'Hélène et les Garçons, starring Cricri d'amour, Nicolas, et José, un batteur avec les cheveux roses, un chanteur en combi délavée pattes d'eph', et plein de jeunes filles qui crient au premier rang. On se moque, mais le groupe propose un rock plutôt sympa, maîtrisé, bien exécuté, que l'on trouvera juste un poil trop niais et kitsch pour notre goût personnel.


Et enfin, clou du pesctacle si l'on ose dire, retour dans une salle 400 archi blindée pour voir pour la toute première fois Gwendoline. Gwendoline, pas celle avec les yeux verts mais celle qui jette des boules de pétanque aux CRS et traîne au QG Oberkampf toute la journée, à s'enfiler des canettes de Navigator pour passer le temps. Gwendoline, de la cold wave dance par-dessus laquelle ça déclame des paroles sociales. Voilà que ça dénonce les trop riches, les droitards persuadés que les pauvres sont juste des feignants, ça raconte comme Fauve en son temps une jeunesse désabusée qui descend les Kro tièdes sans thunes et sans travail. Faute à la salle trop pleine sans doute, on s'amusera surtout de Chevalier Ricard, parfaite occasion de gueuler au rythme des « j'en ai rien foutre ! » qui défilent sur l'écran géant, et le reste du set passera dans une certaine monotonie cold wave, les yeux oscillant entre l'écran derrière le groupe et les bras s'agitant dans la fosse en délire. Une fosse sans doute pour moitié remplie de CSP+ tout excités de se lâcher au son des gauchos et des prolétaires, ironie des Inrocks Festival regroupant toute l'intelligentsia parisienne au même endroit, pour admirer des mecs qui bossent toute la journée au Franprix démonter la Macronie et des touches de synthé.

J'avais dit que je ferais court, c'était évidemment un énième mensonge, un mensonge minimisé par une conclusion affreusement rushée : Lambrini Girls c'est bien, Fat Dog aussi, et mary in the junkyard sortira l'un des albums de l'année en 2025 ou 2026. Sur ce bye bye, et à la prochaine !
setlist
    MARY IN THE JUNKYARD
    Non Disponible

    LAMBRINI GIRLS
    Big Dick Energy
    Help Me I'm Gay
    God's Country
    Mr Lovebomb
    Terf Wars
    Lads Lads Lads
    Boys In The Band
    Craig David

    BINGO FURY
    Non Disponible

    FAT DOG
    Other Side
    All The Same
    King Of The Slugs
    Wake Me Up
    Motherland
photos du concert
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