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O.

Paris, Point Éphémère - 18 septembre 2024

Live-report par Franck Narquin

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Le Point Éphémère, ce haut lieu de la contre-culture parisienne, a vu passer des foules d'artistes déjantés et déroutants, mais ce 18 septembre 2024, c'était au tour de O. de dynamiter la scène.

Derrière ce nom aussi énigmatique qu'intrigant, Tash Keary (percussions) et Joe Henwood (saxophone baryton) continuent de tracer leur sillon à mi-chemin entre le chaos et la catharsis sonore. Depuis leurs débuts fracassants en première partie de black midi en 2021, leur prestation bluffante au Pitchfork Music Festival, nous savions que ces deux-là n'étaient pas là pour faire joli. Leur excellent premier album WeirdOs sorti en juin chez Speedy Wunderground n'avait fait que confirmer le statut à part de ce duo hors normes. Nous nous y attendions un peu et n'avons pas été déçus car ce soir, ils ont carrément mis le feu aux poudres. Assister à un concert de O. s'apparente à recevoir en pleine poire une tornade de sax baryton et de chaos percussif. Oreilles sensibles s'abstenir.


Le public, déjà conquis par l'écoute de WeirdOs et/ou la petite hype underground autour du groupe ne semblait pas encore savoir ce qui l'attendait. Avec leur jazz mutant flirtant avec le doom metal et le punk, O. n'ont pas tardé à rappeler à la foule parisienne que la musique ne se réduit pas à des partitions bien léchées. Joe Henwood fait corps avec son saxophone baryton, soufflant des rafales de sons abrasifs comme s'il s'agissait d'un animal en furie prêt à dévorer la salle. À ses côtés, Tash Keary, véritable tornade aux percussions, tambourine avec une précision quasi militaire tout en injectant une énergie chaotique qui électrise littéralement l'atmosphère.

Oubliez la setlist proprette qu'on pourrait attendre de certains concerts ; ici, tout n'est qu'improvisation savante, déconstruction jubilatoire. Les morceaux de WeirdOs prennent vie sur scène avec une intensité telle qu'ils semblent s'émanciper de leur version studio. Sur 176, on bascule entre l'énergie brute du hip-hop et une ambiance quasi rituelle. Puis viennent les premières notes de Wheezy, et tout le Point Éphémère se met à vibrer sous les basses hypnotiques, alors que le duo enchaîne les cassures rythmiques comme des coups de couteau bien placés.


Si le public s'attendait à des moments plus légers avec des titres comme Slice ou Grouchy, O. prennent un malin plaisir à balancer de l'acier fondu plutôt que de les bercer de groove sensuel. Avec des morceaux comme Green Shirt, c'est la rage punk qui s'impose, tandis que Suragarfish emmène tout le monde dans un free jazz halluciné, où chaque note semble sur le point de s'effondrer, mais trouve miraculeusement son équilibre. Le concert ne se contente pas de remuer les tripes : il tord littéralement les nerfs. C'est ce qu'on appelle une performance physique autant que musicale.

Mais au-delà de la violence sonore, il y a un sentiment d'absolue liberté dans ce que proposent O. Ce soir, ils n'ont pas seulement joué de la musique : ils ont offert une expérience sensorielle complète. Une gifle douce et brutale à la fois, un uppercut pour les amateurs de sons bien propres. Vous en sortez, oreilles bourdonnantes, peut-être à la limite de l'acouphène, mais avec cette impression que quelque chose de fondamental et produit vient de se produire sur scène. Mais il sont fous ? O. oui !