Si pour vous « ça va comme un lundi », ça tombe bien : les Happy Mondays jouaient ce lundi à l'Élysée Montmartre à Paris, une salle qui a accueilli tant de groupes des années 1980 et 1990 qu'elle revêt facilement un voile de nostalgie.

Pour alimenter cette nostalgie, ce sont des protégés d'Alan McGee (le découvreur de The Jesus And Mary Chain, Oasis ou The Libertines) qui assurent la première partie. Bien que
The Gulps n'ait pas encore sorti d'album, le groupe est très rodé après avoir tourné avec Ash, Carl Barât et PiL. Les six membres se sont rencontrés en école de musique, et leur approche semble à la fois très travaillée et académique.
Comme des Village People version pop-rock, chacun a son style : un guitariste inspiré d'Elton John (sans les paillettes), une bassiste mod, un batteur et un guitariste en débardeur avec une chevelure années 80s, un chanteur rock alternatif en imperméable et casquette en cuir, et, bien sûr, un joueur de tambourin en survêtement. Leur musique mêle l'énergie rock de Kasabian et le côté accrocheur de The Killers, avec des tubes taillés pour les radios et les grandes scènes. Le show est efficace, mais un peu trop fabriqué à mon goût avec des musiciens qui posent et cherchent à tout prix à attirer l'attention.

Après cette première partie énergique, que peut-on attendre des
Happy Mondays ? Pour ma part, pas grand-chose. Je les ai vus lors de leur
reformation, il y a presque vingt ans : Shaun avait du mal à assurer le set alors que Bez avait encore de la ressource dans ses Duracell. Mais je les ai ratés à leur apogée, et mes amis qui les ont vus à cette époque ne veulent plus les revoir, pour des raisons opposées. Certains gardent un souvenir extraordinaire d'un groupe défoncé et d'un public déchaîné, tandis que d'autres ont trouvé le concert médiocre, avec un groupe défoncé et un spectacle raté.
La scène semble vide : batterie, claviers et autres machines sont relégués au fond, et les amplis sont aussi placés très en arrière. L'intro de
Kinky Afro retentit, la lumière est blanche et froide. Les musiciens montent sur scène un à un. Les basses dominent, comme si le son saturé et un peu crasseux des concerts de l'époque avait été reproduit à dessein. Ce sera l'un de ces rares concerts où la tête d'affiche sonne moins bien que la première partie, bien plus professionnelle.
La voix de Shaun se fait entendre avant même qu'il n'apparaîsse. Mais elle est plus éraillée et moins puissante qu'avant. Il tient cependant le coup et il assurera tous les titres debout sa bouteille d'eau minérale, une belle publicité pour son effet rajeunissant, car il semble en meilleure forme qu'en 2007. Bez, avec son sourire de dément et ses maracas, est le dernier à se présenter. Ses instruments ne sont pas amplifiées : ils servent autant d'accessoires pour danser que de talisman pour captiver le public quand il les agite comme un prêtre bénissant ses fidèles.

C'est presque la formation originale des Happy Mondays qui se produit ce soir, à l'exception des deux Paul : Paul Ryder, le bassiste et frère de Shaun, décédé il y a trois ans, et Paul Davies, le claviériste, parti après la première séparation du groupe. Ils gardent l'air de gamins qui s'amusent et refusent de se prendre au sérieux. Les musiciens restent presque immobiles, comme collés au sol, malgré une musique dansante. Cette nonchalance est renforcée par leur immobilité... sauf pour Bez, qui arpente la scène de long en large. Rowetta n'est plus là, mais sa remplaçante se contente d'assurer les chœurs et de répondre à Shaun, notamment sur
Dennis And Lois, où le duo ressemble à un vieux couple chantant « leur » chanson dans un karaoké. Sans moquerie ni cynisme.
Même si le groupe joue soir après soir la même setlist, le chanteur a l'air un peu perdu entre les titres, déchiffrant la setlist pour savoir ce qui suit avant de l'introduire dans un charabia incompréhensible. Bez lance aussi des vannes et nous apprend que Shaun pensait être en Belgique, pas étonnant qu'il ait du mal à suivre où le groupe en est dans le set. Les anglais cultivent merveilleusement l'art du nonsense, ça fait sans doute partie du show.
Le concert se termine rapidement sur trois de leurs plus grands titres :
Hallelujah,
24 Hour Party People et
Step On. Le jeu est chaotique, le son brouillon, mais on retrouve l'essence des Happy Mondays : une batterie légère, un groove de basse, un riff de guitare malin, et une voix nonchalante qui raconte n'importe quoi avec un air sérieux. A l'envie ajoutez de manière aléatoire des chœurs, un solo de basse et un pont claquant. Le groupe fait un rapide aller-retour backstage avant de définitivement clôturer sur
Wrote For Luck.
Je n'attendais rien ce soir, et j'ai eu mieux que rien : une plongée dans un musée insolite, mais pas indispensable.