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Factory Floor

Paris, Petit Bain - 7 octobre 2025

Live-report par Jean-Christophe Gé

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Le Petit Chaperon noir est venue se perdre sur les quais de la Seine. Elle a été attirée par la très sympathique barge de Petit Bain où elle y a installé son matériel.

Luxie, de son vrai nom d'artiste, nous accueille seule avec son sourire et ses machines. Le premier morceau est très calme mais on sent les effets caractéristiques sur la voix qui promettent une montée pop... qui ne vient pas. Joueuse, la chanteuse enchaîne sur un morceau à l'instrumental bondissant et aux rythmes entraînants, mais à la voix éthérée. C'est donc petit à petit qu'elle construit son set. Elle demande au public de se rapprocher un peu : attention, ce soir, elle joue le rôle du loup. Luxie est contente d'être là, et on sent la joie de faire découvrir ses chansons et de communiquer avec le public.
Entre conte de Perrault et manga, la chanteuse sert un set électro pop très kawai. Elle donne l'impression de jouer dans une usine, coincée entre une batterie à gauche, un set de percussions à droite et une table encombrée de pédales, câbles, claviers et autres instruments électroniques. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre pour Factory Floor, mais quelque chose me dit que ce sera aux antipodes.

Après une collaboration avec Stephen Morris (batteur de Joy Division et New Order) pour Real Love, une saine obsession pour les rythmes et une poignée d'albums givrés au sens propre comme au figuré, Factory Floor avaient disparu de nos radars et de nos platines depuis de nombreuses années au profit de la carrière solo de Gabe Gurnsey. Alors que leur deuxième album s'intitulait 25 25, ils avaient peut-être prévu depuis longtemps de revenir cette année...

Un trio monte sur scène : Gabe Gurnsey à la batterie, Nik Colk Void aux machines et Joe Ward, le nouveau venu dans le groupe, aux percussions. Un séquenceur joue une boucle de basses qui évolue de manière imperceptible, jusqu'à ce que la grosse caisse entre en jeu. Puis une cymbale. Mais ces sons ne proviennent pas d'une vieille boîte à rythmes Roland : ils sont issus d'un véritable kit, donnant à la musique électronique une dimension organique qui la rend d'autant plus efficace. Comme pour le confirmer, c'est le démarrage des percussions qui donne le véritable coup d'envoi du set.

Leur musique a beau être froide, la présence de deux sections rythmiques réchauffe l'ensemble. D'autant qu'il ne faut pas compter sur le groupe pour communiquer autrement que par son jeu. Quand Nik Colk Void utilise son microphone, c'est pour lâcher quelques mots qui se perdent dans les boucles et les résidus de reverb ou de delay. Même s'ils semblent former des phrases, on ne peut pas vraiment parler de chansons pour ces parties vocales. Il n'y a aucun silence, et Gabe semble jouer sans discontinuité. Ainsi, les morceaux s'étirent et s'enchaînent, nous faisant perdre le fil. Est-ce le troisième morceau de huit minutes ou la fin d'un morceau qui s'étire sur près d'une demi-heure ?

Factory Floor, eux, savent très bien où ils nous emmènent. Le public se déhanche, chacun dans une bulle, hypnotisé par la superposition de rythmes. Le batteur et le percussionniste sont ultra-concentrés, ne se quittant pas des yeux, tandis que Nik Colk Void prend en charge l'ensemble des mélodies.
Parce qu'il faut un bouquet final, le dernier morceau est une montée de boucles qui se fondent dans la distorsion, tandis que des projecteurs blancs nous éblouissent en pleine figure. J'ai l'impression de fourrer la tête dans le réacteur d'un avion, sans les brûlures. Gabe Gurnsey s'en va, mais Nik Colk Void et Joe Ward restent sur scène. Il revient vite avec une bière, et on peut y voir ce qui ressemble à un rappel qui conclura le concert de manière abrupte et sobre, un seau d'eau glacée pour sortir du rêve.

Cette formule à plusieurs sections rythmiques est imparable et donne un coup de fouet à la musique comme au public, qui en ressort ce soir tout sourire.