Avis aux fans de basket-ball : leur lieu de prédilection à Paris est envahi ce vendredi soir par une tout autre foule de supporters. C'est une rencontre au sommet qui a bien lieu à l'Adidas Arena, entre le public parisien et les maîtres du folk rock anglais que sont Mumford & Sons. Le trio toujours mené par Marcus Mumford ne cesse de gagner en renommée, preuve en est les salles de plus en plus conséquentes qu'il réussit à remplir, particulièrement en Europe.
Pour rappel, Mumford & Sons sont apparus sur nos platines en 2009 avec un brillant premier album
Sigh No More, qui offrait une vision de la musique folk traditionnelle anglaise des plus rafraîchissantes. L'ingrédient phare du groupe, le banjo et son aura des plus champêtres, accompagné de guitares acoustiques et de la contrebasse, avec la voix douce et affirmée à la foi de Marcus Mumford, avait alors conquis le monde entier. Une ambiance définitivement positive, joyeuse, faite pour nous sortir de nos grisailles quotidiennes. Très inspirés par l'univers country folk américain, Mumford & Sons ont réussi à s'approprier ce style particulier et à le retranscrire de la façon la plus honnête et délicieuse qui soit.
Par la suite, le groupe a tenté de se démarquer un peu de cette touche qui le caractérisait tant. Le quatrième album
Delta paru en 2018, qui tentait des percées vers des sonorités electro, avait alors achevé de déconcerter les fans des premières heures. Et pourtant, on reconnait grandement au groupe ce besoin de sortir de sa zone de confort, de tenter d'autres chemins et surtout de ne pas finir par tourner en rond, simplement pour faire plaisir aux admirateurs exigeants.
C'est néanmoins un retour aux sources qu'ont amorcé Marcus Mumford, Ted Dwane et Ben Lovett en mars dernier avec
RUSHMERE, cinquième opus renouant clairement avec leurs premières amours : une musique folk empreinte de banjo, guitares acoustiques et de mélodies très entrainantes. La longue pause depuis 2019, prolongée par la pandémie, a probablement fait ressurgir un besoin de se reconnecter à l'ADN même de Mumford & Sons. C'est donc dans cet état d'esprit que les Anglais ont mené au printemps dernier une mini tournée de chauffe, qui a permis à quelques heureux parisiens de profiter des musiciens dans une configuration plus intime, à l'Élysée Montmartre. Le groupe s'est alors présenté à nous de la façon la plus modeste possible, bien que déjà accompagné de ses musiciens additionnels et d'un décor lumineux foisonnant. Une belle mise en jambes qui nous mène donc en cette soirée de novembre dans la nouvelle salle de la Porte de la Chapelle, qui a le mérite de proposer un intermédiaire avant de passer aux arénas gigantesques telles celles que l'on trouve à Bercy ou à la Défense.

Ce soir, Mumford & Sons se font accompagner par deux autres formations : les montréalais de
The Barr Brothers et les londoniens de
The Vaccines. S'agissant des premiers, un bagage oublié sur la ligne T3B du tramway nous empêchera d'arriver à bon port à temps pour pouvoir les découvrir. Nous réussirons cependant à gagner notre siège pour assister au come-back parisien de The Vaccines, aperçus il y a un peu plus d'an an à La Cigale, alors pour présenter leur dernier album
Pick-Up Full Of Pink Carnations. Ce soir, nos amis ne sont peut-être pas la tête d'affiche mais nombre de présents dans la fosse manifestent leur très grand intérêt à l'arrivée de Justin Young sur scène. Et c'est bien ce dernier qui réussira à mettre l'ambiance dans cette salle encore alors à moitié vide et qui, malgré une acoustique excellente, souffre un peu de l'aspect « cathédrale » de ce genre d'espaces plus particulièrement adapté aux rencontres sportives. La scène étant large et très dénudée, les musiciens semblent un peu rétractés sur eux-mêmes pour créer la synergie nécessaire à leur set pourtant très réussi. Justin fait comme à l'accoutumée l'objet de toutes les attentions : toujours extrêmement élégant, la chemise et le pantalon ajustés, les bottines italiennes rutilantes et la paire de lunettes noires qui fait toute la différence, le leader des Vaccines mène son show comme si le public n'était là que pour lui.
La setlist brasse large dans leur répertoire, et favorise les titres les plus connus, un peu plus « grand public », The Vaccines ayant dans leur malle aux trésors beaucoup d'autres morceaux plus agités. Mais on ne boude pas son plaisir à l'écoute de
Post Break-Up Sex,
Headphones Baby et du très entrainant
Heartbreak Kid qui, avec les autres titres du dernier album, crantent le groupe dans la catégorie poids lourd de la scène pop rock britannique. Le set de quarante minutes défile à toute allure, et Justin Young de ne pas se laisser intimider par la taille impressionnante de cette foule, qui est la plus grande devant laquelle il ait joué à Paris ce jour. Ce dernier ne cessera d'aller chercher au plus près (autant que le lui permettra l'énorme distance entre la scène et la barrière du premier rang) ce public qu'il faut à tout pris convaincre en si peu de temps, à grand renfort de sourires ravageurs, de déhanchements lascifs tel un patineur sur glace et, après avoir laissé tomber les lunettes sombres, muni de sa guitare pour faire danser cet auditoire. Une première partie de haut niveau et l'impatience déjà à l'idée de retrouver The Vaccines en 2026 à Paris au Bataclan pour célébrer comme il se doit les quinze ans de leur premier album
What Did You Expect From The Vaccines?.

Petit interlude à base de publicités sur écran géant et d'aller-retours aux bars et stands de nourriture pour les plus motivés (une aréna qui se respecte se doit d'avoir ses frites mayo et ses bières hors de prix disponibles à chaque recoin), et c'est à 21h pas tout à fait pétantes que Marcus, Ted et Ben prennent possession de la scène, pour commencer sous un seul spot lumineux, seulement accompagnés de la guitare de leur chanteur, comme cela avait été le cas à l'Élysée Montmartre. Une entrée toute en modestie qui est vite oubliée quand l'intégralité du lightshow se dévoile, soit d'énormes formes lumineuses toutes en néons, représentant des étoiles, des cœurs et autres oiseaux qui apparaissent au-dessus de la scène, complétées par les guirlandes lumineuses déjà vues en mars dernier. Un rail permet à une caméra de filmer chacun des visages de nos musiciens et de les projeter sur l'écran géant situé derrière. Le groupe est ce soir accompagné de sept musiciens aux cuivres, aux percussions et au traditionnel banjo, tous en rang d'oignon en fond de scène, pour laisser toute la place aux trois héros de la soirée.
Armé de sa grosse caisse au pied de son microphone, Marcus Mumford commence très fort en enchainant
Babel,
Rushmere, single du dernier album, et le hit
Little Lion Man, qui voient pour la première mais pas la dernière fois de la soirée les gradins se lever, tous les bras se tendre pour taper en rythme dans les mains, quand certains préfèrent évidement filmer le tout à l'iPhone. Le public chante en chœur et à l'unisson les refrains, et l'on découvre sur le visage de Ben Lovett une réelle émotion qu'il peine à dissimuler. Ce soir, la setlist est à la hauteur de l'attente des spectateurs, beaucoup n'ayant pas eu la chance de participer au warm-up du mois de mars. Les tubes s'enchaînent, les lumières deviennent de plus en plus fortes, Marcus prend place comme la tradition l'exige à la batterie dès
Lover Of The Light, puis repart sur le devant de la scène, cette fois ci sans guitare, pour se saisir du micro et aller se percher à la barrière, saisissant au passage moult mains tendues et regards énamourés.

C‘est donc une très grosse logistique qui est mise en place ce soir, jusqu'à oser quelques effets pyrotechniques que l'on n'attendait pas vraiment sur ce style de répertoire. On note quand même une surenchère d'effets, certes impressionnante à observer, mais qui n'apporte pas grand-chose de plus sur des morceaux qui gagneraient plutôt, du fait de leur magnifiques mélodies, à un peu plus de solennité. Mais, un passage en aréna ne peut pas se faire sans y mettre un maximum de moyens, voilà pourquoi les trois garçons vont se précipiter sur une scène B située à l'autre extrémité de la fosse, pour interpréter trois morceaux en acoustique,
Ghosts That We Knew,
Guiding Light et
Caroline, pour le plus grand bonheur des spectateurs des gradins les plus éloignés de la scène.
Niveau chaleur humaine, Marcus Mumford saura faire preuve de générosité, entre ses tentatives pour parler français très amusantes, qui lui rappellent ses années de classe à l'école, et sa traversée de la fosse (certes surveillé de près par un brave vigile) tel une rock star mais sans tenter de circle pit ni de slam. Le public ressent une véritable connexion avec le musicien et la fin du concert se fait avec le bouquet final
Timshel et
Rubber Band Man, accompagnés du dernier single paru,
Awake My Soul, sans Hozier sur scène mais tout aussi réussi.
Un concert lui aussi généreux avec pas moins de vingt-trois morceaux interprétés, dans une ambiance qui n'aura pas connu aucune pause. Avec leur style très feel good et leur amour de la musique folk traditionnelle, Mumford & Sons réussissent à exporter partout où ils passent une atmosphère bienveillante, ultra joyeuse et permettent à toutes les générations de se croiser à leur concert. Le groupe est ainsi devenu une valeur sûre en live, et on s'attend donc à ce qu'il continue à gagner en popularité, un chemin qui mènera les musiciens à n'en pas douter bientôt dans les plus grands stades du monde.