Night Flight

Au milieu des cohortes de groupes indie anglais, Night Flight est reconnaissable entre mille. La voix singulière et affectée de Sam Holmes, d'abord, ne ressemble à aucune autre. Puis ces suites d'accords riches et originales, cette science des arrangements aussi subtile qu'efficace donnent naissance à des chansons finement ciselées. Désormais réduit à un duo, Sam Holmes et Harry Phillips, le groupe londonien publie Exit Stage Left, son troisième album.

Sur cette nouvelle livraison à la très belle pochette, l'identité du groupe évolue encore. Après un premier album éponyme parfois un peu trop lyrique, puis un virage indie très réussi sur Songs From Echo Zoo (qui renferme la sublime et inusable Something Going On), les Anglais reviennent avec un son plus moderne et dynamique. Le raffiné Exit Stage Left aux arrangements luxuriants ornés de touches de piano, flûtes, cordes et synthétiseurs, reste toutefois nimbé d'une ambiance crépusculaire, marqué par les ruptures (Alimony, Exit Stage Left...) et les désordres du monde britannique contemporain.


L'affaire démarre de la plus belle des manières. La ternaire Cold To The Touch porte la marque indéniable, sans jamais être écrasante, d'Elliott Smith. Le son est ample, dynamique, brillant. Suit la pièce maîtresse de l'album, Alimony, qui s'impose d'emblée comme une des meilleures indie pop songs de l'année. Armée d'une mélodie et d'un refrain en béton, ce morceau – le plus enlevé du disque – est tout simplement parfait, évoquant tant la pop cubiste de Grizzly Bear que les délicatesses du songwriter de Portland. La production y est, encore une fois, remarquable.

Plus loin, Forget You et son chant passé au phaser déploient une belle fragilité. La très pop Lucy renferme un refrain qui squatte la tête pendant des jours, tandis que la subtile Awful Mess livre une autre merveille mélodique à la construction et l'émotion singulières. No Pressure confirme le talent du duo, dont les arrangements se déploient autour d'une suite d'accords mélancoliques mais pleins d'espoir.

Seul bémol sur la longueur : Exit Stage Left reste globalement marqué par des morceaux mid-tempo assez nostalgiques. On se prend à regretter que le groupe ne déploie pas davantage l'énergie rock d'Alimony – la chanson 5 étoiles de l'album – ou l'optimisme solaire de Lucy. Il n'empêche, Night Flight confirme ici son statut de groupe à part, capable de ciseler des chansons sophistiquées sans jamais tomber dans la préciosité.