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Micachu And The Shapes
The Invisible

Paris, Maroquinerie - 1er novembre 2009

Live-report par Chloé Thomas

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Ce soir, après une mise en bouche satisfaisante par un mec en short qui se réchauffe avec des chansons folk-rock bien menées et pas tout à fait dénuées d'humour derrière leur romantisme exacerbé, on voit entrer sur scène le trio anglais The Invisible.

Le chanteur, Dave Okumu, est un géant qu'il serait bien difficile de ne pas voir, encore moins de ne pas entendre : sa belle voix posée lui donne en effet un charisme assez extraordinaire. Okumu vient de la scène jazz londonienne, et ça se sent. Les chansons du groupe sont un excellent mélange d'afro-beat et de rock toujours assez cool, mais travaillant les textes en profondeur avec une puissante tranquille. On lui pardonne sans mal quand le charismatique frontman... casse une corde, d'autant plus que pour se remettre de l'incident, le groupe invite Micachu & the Shapes, avec qui il ils ont tourné ces derniers mois, à les rejoindre sur scène. Le son très particulier de Micachu avec sa petite guitare aux cordes un peu relâchées s'accorde de manière surprenante mais réussie à la plénitude de The Invisible, tandis que son percussionniste Marc Pell vient, tambour battant, prêter main forte à Leo Taylor, le batteur de The Invisible. Le groupe d'Okumu nous sert ensuite une dernière chanson somptueuse, aux longs moment instrumentaux où les cycles longs des graves sont doublés d'un rythme hyper-énergique à la batterie, pour une chanson à la fois sombre et sur laquelle on se surprend facilement à danser.

Ils s'effacent ensuite (mais ce n'est que momentané) devant Micachu & the Shapes. Cela fait plus d'un an qu'on vous dit que le futur de la pop, c'est elle, et il paraît que le buzz commence à nous donner raison. La minuscule Mica Levi, avec son physique enfantin et ses instruments-jouets qu'elle fabrique elle-même, adore s'amuser avec des sons bizarres, pour lesquels le laptop (activé par la préposée aux claviers Raisa Khan) est parfois mis à contribution sans que jamais on ne perde l'énergie du live. La musique de Micachu se pose, par définition, comme un art de la distorsion : de la gamme, des timbres, des genres. Et voilà qu'en concert, elle s'amuse aussi à distordre ses propres chansons, celles de l'album que le public connaît bien mais qu'elle passe à la moulinette, modifiant le tempo, la structure, ne gardant parfois que la ligne de chant si reconnaissable à ces bonds de l'aigu au grave (qui mettent ce soir sa voix à rude épreuve, semble-t-il). Tout à son jeu interprétatoire, elle enchaîne les titres avec une brièveté caractéristique, proposant même quelques nouvelles chansons, qui augurent d'ailleurs d'un nouvel album plus sombre, plus rock que le précédent, comme elle nous l'avait confié lors d'une précédente interview.

Histoire de leur rendre la pareille, les Shapes invitent les Invisibles, cette fois en laissant à Micachu le chant et la direction, tandis que Okumu, derrière elle, taquine sa guitare électrique. Le contraste est frappant entre le géant noir au son puissant, à la maturité sereine, et la petite gamine de Londres fraîchement teinte en blonde, qui fait du ludique une affaire des plus réfléchies. Et pour le final, Golden Phone, les trois gars de The Invisible s'invitent à nouveau sans prévenir, engageant un combat figuré de guitares et de percussions, avec l'air de prendre un plaisir fou à jouer ensemble. La fin des rappels est, elle aussi, double; c'est une chanson qu'ils ont visiblement travaillé sur la route, ensemble, et qu'ils jouent ce soir pour la première fois en public. Il s'agit d'une reprise surprenante et détonante de Temporary Secretary de Paul McCartney. L'introduction rend le titre complètement méconnaissable, avec la seule mini-guitare de la demoiselle, ultra-minimaliste. Dave Okumu et Mica Levi se partagent le chant, lui faisant les couplets de sa manière toujours ample et posée, elle se chargeant du refrain qu'elle répète avec une ardeur métronomique.

Tout se distend ensuite en une improvisation totale, et Micachu se replie lentement avec sa guitare dans un recoin de la scène, le dos tourné au public, l'air de ne pas être concernée, comme si son talent fou l'embarrassait : elle voudrait juste continuer à jouer, comme ça, sans se prendre au sérieux. Nous, en tout cas, on la prend vraiment au sérieux, et on ne cessera pas de le répéter : Micachu est, dans la musique populaire, l'un des sons les plus intéressants et les plus novateurs du moment.