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Micachu And The Shapes - Jewellery
Chronique Album
Date de sortie : 09.03.2009
Label : Rough Trade Records
45
Rédigé par Chloé Thomas, le 8 mars 2009
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Le titre est admirablement bien choisi, car ce disque est un petit bijou et Micachu une précieuse découverte. En-dehors des normes, avec la fraîcheur de ses vingt-et-un ans et une envie d'en découdre avec le réel, elle met à profit la rigueur de sa formation classique pour se libérer de toute discipline et expérimenter avec bonne humeur.

Son univers est ludique, coloré, énergique: un album pop, donc, jamais agressif, et pourtant à mille lieues de tomber dans la facilité d'un son gentillet. C'est à Stéréolab qu'on pense, pour la haute tenue de la réflexion. Le côté clownesque de Micachu, ses jeux sur les graves et les aigus, son goût pour le bizarre, se fondent sur une démarche expérimentale, menée avec le sérieux d'un enfant qui s'en va explorer des territoires nouveaux.

On trouve beaucoup de timbres très particuliers, car les outils sont inhabituels: comme son maître à penser Harry Partch, Micachu crée ses propres instruments et en tire des sons hors normes; elle joue également avec des objets du quotidien, de l'aspirateur à l'ordinateur, pour en tirer une substance musicale et une inquiétante étrangeté. Alors que le gros de l'électro se complait dans l'abstrait, se réduisant à un beat primairement sexuel et névrotique, on revient ici à un électronique du réel. C'est un son qui vient du toucher, du geste, du physique; une échappée belle, où se définit un nouveau rapport à l'ordinateur, qui n'est plus une simple interface, mais un outil avec son horizon de possibilités et ses limitations. Calculator rend d'ailleurs hommage, avec une ironie certaine, à l'ultime prothèse du musicien moderne. Micachu sait l'employer à bon escient et s'en détacher pour travailler dans l'urgence du live et les aléas bienvenus de l'acoustique.

L'art de la composition et le bon usage des silences permettent aux chansons de tenir la durée dans la même énergie. Entre klaxons (Curly Teeth) et sonneries de téléphone (Golden Phone), on voit prendre corps une matière dense mais légère, industrielle mais souple. Des références savantes au sérialisme, des accords disharmoniques, sont repris au deuxième degré pour en exploiter à fond la bizarrerie amusante, comme dans l'excellent Guts qui clôt l'album et laisse présager d'un tournant plus mélancolique et peut-être plus cynique pour le suivant.

Du hip-hop, qu'elle connaît bien pour avoir produit des rappeurs, Micachu reprend une certaine rythmique du discours, qui se cristallise sur ses refrains pêchus aux mélodies atypiques. Quand elle prend des airs d'indie-rock, comme sur Sweetheart, c'est seulement pour en renverser les codes, jouant sur la brièveté et se promenant allègrement sur la frontière de la parole et du chant.

Assez inclassable donc, Jewellery n'a pourtant pas l'âpreté d'un album expérimental; il est au contraire accueillant, facile à écouter, mais pas facile à oublier. Mêlant des influences variées qui vont bien au-delà de la musique populaire, Micachu développe un son propre avec l'aisance d'une surdouée et toujours dans le plaisir du jeu.
tracklisting
    01. Vulture
  • 02. Lips
  • 03. Sweetheart
  • 04. Eat your heart
  • 05. Curly Teeth
  • 06. Golden Phone
  • 07. Ship
  • 08. Floor
  • 09. Just in Case
  • 10. Calculator
  • 11. Wrong
  • 12. Turn Me Well
  • 13. Guts
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    Golden Phone, Calculator, Guts
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