logo SOV

Nerves

Glórach EP

Nerves - Glórach EP
Chronique Single/EP
Date de sortie : 15.03.2024
Label :Blowtorch Records
4
Rédigé par Adonis Didier, le 20 mars 2024
Bookmark and Share
Vous aussi vous avez les nerfs ? Les nerfs de regarder votre vie tourner à deux FPS, défilant comme des diapos incontrôlables renvoyant les images d'un personnage que vous contrôlez au hasard des frénétiques clics gauches d'une souris cassée, et d'un pavé ZQSD sans touche S dont le Z est en plus de ça enfoncé par défaut ? Impuissance. Le mot d'une génération qui, paradoxalement, est sans doute celle qui essaye le plus, bloquée devant des images qu'elle tente de maîtriser sans y parvenir. Clic. Des images de guerre, d'enfants morts, de forêts en flammes. Clic. Des images d'Oscars, de Coupe du Monde de Football au Qatar. Clic. Les glaces fondent, les eaux montent, emportant les maisons, les personnes, les principes, et les dignités. Clic. Chiffres records, chiottes en or, toujours plus d'argent sur un compte offshore. Clic.

L'écran s'éteint, ne laissant dans les mains que l'impuissance, affublée du paradoxal haut de forme d'avoir un compte en banque pas à découvert, et par conséquent plus de monnaie pour les musiciens, ni pour le gars du métro, ni pour la femme dans la rue avec son chien et son gamin. Ecartelée entre le besoin de gagner sa vie et celui d'arrêter la rotation d'une mappemonde cadenassée dans sa propre armature, la jeunesse monte des assos, donne des plats de pâtes et des TPEs aux clochards, répare des vélos, et commence à crier. Toujours plus fort, car le vacarme couvre les cris. Toujours plus fort, mais les bombes crient encore plus fort. Ne reste que le bruit. Le métal qui se tord, l'acier qui craque, le béton qui explose, les tremblements d'une ville transformée le temps d'une pause café en une bouillie pâteuse de terre, de fer, et de sang. Les cris. Le bruit. Plus de cris.

Une sempiternelle rengaine qui parle tant à l'histoire de l'Irlande qu'en est sorti le noise-punk, car à quoi bon s'exprimer par des mots une fois toutes les langues coupées, toutes les mâchoires brisées ? Le noisy, le bruyant, ou encore le Glórach en irlandais, premier effort de la nouvelle explosion sonore irlandaise dénichée par le Supersonic et Daniel Fox : Nerves. Un trio originaire de l'ouest de l'île d'Emeraude, entre Maigh Eo et Gailimhe, Mayo et Galway en VF, croisé au Supersonic de Paris en janvier, et dans la tête le souvenir d'une magnifique chemise transparente sous des lumières rouges. Un live dont la plus belle image, musicale cette fois, était la prodigieuse lourdeur qui s'échappait du bébé, petit éléphant au trèfle barrissant à tue-tête dans un magasin de porcelaine.

De retour en sien pays, l'éléphant se couvre de poils pour résister aux vents violents qui balayent la côte atlantique, et Empty s'écrase d'emblée contre les rochers taillés en pointe dans un fracas comme cent mammouths dans le vaisselier de la couronne britannique. Des cris, du bruit, des cris, et une batterie qui broie les os et tasse les piles de cadavre pour regoudronner par-dessus. De l'autoroute de la mort s'élève le souffle des âmes sans sommeil, Leigue ouvre sur un gros rock noisy et punchy pris dans un damné courant d'air, dont le sifflement se fait toujours plus strident à mesure que le groupe tente en vain de refermer les fenêtres, de faire taire les hurlements. Comme une oasis en plein désert, un rayon de soleil en pleine Irlande, Thirteen relâche la pression, mixe pop et noise-rock, ce soir dansent les décombres du monde, et nous par-dessus. Une géniale bouffée d'air menant à la torturée Porcelain, une porcelaine précédemment ravagée par le troupeau de mammouths, qui tangue dans un calme glauque, surnaturel, au gré des coups de tonnerre qui s'abattent autour d'elle. Les explosions sont erratiques, imprévisibles, et la chanson vit dans la peur de ses propres instants de folie, de sa brusque et inextricable colère. Enclosed referme la porte capitonnée de l'asile en alternant doom-noise et flippants moments de murmures solitaires, dans cet univers alternatif où Trent Reznor est le leader de Black Sabbath, et où Ozzy Osbourne suce des chauves-souris en enfer.

Un dernier fracas, un dernier éboulement avant d'éteindre la télévision et d'aller se coucher. Oublier, prendre un café, oublier, prendre un autre café et crier plus fort que les voix dans nos têtes, faire plus de bruit que le film de vies qui ne sont pas les nôtres, mais dont on ne supporte plus de savoir qu'elles existent. Nerves, parce qu'on a tous les nerfs.
tracklisting
    01. Iarthar
  • 02. Empty
  • 03. Leigue
  • 04. Thirteen
  • 05. Scread Mé
  • 06. Porcelain
  • 07. An Nead
  • 08. Enclosed
titres conseillés
    Thirteen, Empty
notes des lecteurs
Du même artiste