Scattered Ashes

C'est décidément l'heureux hasard du calendrier rock qui nous fait passer autant de temps dans le verts pâturages Irlandais, Nord inclu. C'est à croire que nos voisins se sont donné le mot pour faire étalage de leur incroyable talent avec la débandade de groupes et artistes qui rayonnent sur nos étagères ou dans nos playlists. Entre nos coups de cœurs confirmés suite aux passages successifs sur scène à Paris et ailleurs de Enola Gay, Chalk, Gurriers, Nerves, The Clockworks, SPRINTS et la nouvelle salve de talents qui sort tout juste du bois avec les excellents Cardinals, sans compter les valeurs sûres tel Villagers et l'annonce en grande pompe du tant espéré nouvel album de Snow Patrol (il en faut pour tous les goûts !), Sound Of Violence se positionne du côté des pintes de Guinness et de la fiscalité avantageuse pour les multinationales de cette belle contrée.

Ce qui nous épate est la supériorité des talents qui en sortent. Reléguant quasiment les grands frères de Fontaines D.C. et The Murder Capital au rang de dépassés, les plus jeunes en veulent, et une avalanche de singles aussi musclés que racés envahit allégrement chaque mois notre magnifique playlist qui se veut à la pointe de la tendance. L'été approche, nombre d'entre nous vont préparer leurs devoirs de vacances en peaufinant leur bande son de camping, tout en cirant les Dr. Martens prêtes à les porter dans les nombreux festivals de France et de Navarre (avec option Glastonbury pour les warriors), c'est pourquoi nous vous proposons notre nouveau coup de cœur appelé Scattered Ashes.
Nouveau n'est peut-être pas le terme le plus approprié, les dublinois ayant déjà à leur actif un mini EP (deux titres et un remix) nommé Parrallel Lines, sorti en 2021 et qui nous avait alors fortement tapé dans l'œil. Mais depuis lors, c'est seulement quelques singles qui sont venus grossir notre boîte à biscuits, tous les artistes ayant émergé entre 2020 et 2021 se prenant méchamment en plein faciès le chaos qu'à alors semé la pandémie, notamment dans le petit monde de la musique. Nous avons donc patienté, découvert entre temps moults petites pépites, sans oublier pour autant nos amis de Scattered Ashes toujours composés de Rob au chant et à la guitare rythmique, Gerry à la basse, Ben à la guitare et Cillian à la batterie.


Les Irlandais reviennent donc avec un nouvel EP, cette fois ci un peu plus fourni, intitulé All That Is Solid Melts Into Air. Cinq morceaux, dont une nouvelle version beaucoup plus soignée de Love Is Not An Option, précédemment paru sur leur premier disque en 2021. La présence de cette nouvelle version en dit long sur l'évolution du groupe : avec un son beaucoup plus propre, les harmonies plus fines et travaillées, Scattered Ashes ont mis à profit ces trois années pour polir la brutalité de leur style. Fortement empreint du post punk sombre à la Joy Division, chère à nombre de nos chouchous, la noirceur continue de prévaloir dans cette nouvelle fournée mais d'une façon plus modérée. Le chant de Rob s'est affuté, ces quelques années apportant un peu plus de patine aux cordes vocales du jeune musicien, rendant le résultat plus pénétrant.


L'EP débute sur They Can't Divide Us qui, avec sa cadence au pas, est la parfaite passerelle d'avec le premier EP. Ça pilonne de riffs bien aigus qui portent au cœur et l'on sent que Scattered Ashes sont véritablement prêts à en découdre. Ether prend encore plus d'ampleur, la guitare devenant plus vaporeuse et le chant susurré entre les refrains nous évoque réellement l'ambiance un peu mortuaire mais d'une rare élégance du premier album de The Murder Capital. La pièce de résistance viendra avec Kingdom, se détachant de l'aspect brut de décoffrage des premiers titres. La mélodie s'affine tout comme le chant, le clavier vient ambiancer le tout et la profondeur obtenue donne des aspects cinématographiques au morceau, ce dernier prenant des airs de balade dramatico-romantique. On apprécie de ce fait beaucoup moins le fondu de fermeture, technique totalement désuète de nos jours et pas du tout digne de la beauté de la chanson.
On passera rapidement sur cette petite faute de parcours pour retrouver Love Is Not An Option habilement toiletté et pour conclure sur I Will Be King qui, comme le disait notre collègue aux commandes de la chronique de Parralel Lines, trace une filiation évidente avec le rock stylé d'Interpol, sa finesse et sa précision venant à nouveau s'écarter de l'aspect plus primaire de premiers morceaux du tracklisting.

C'est donc un disque plein de nuances que nous offrent Scattered Ashes avec All That Is Solid Melts Into Air, permettant à ces derniers de faire varier leur style et se démarquer d'une scène devenue au fil des années peut-être un peu trop répétitive mais sans pour autant perdre de son énergie bouillonnante. Le retour des dublinois est particulièrement réussi, et ces trois années d'attente n'auront pas été veines. Vivement la confrontation en live pour conforter à nouveau nos propres talents de bookmakers.