SLAP RASH

Certains groupes pondent des EPs comme on remplit un CV : une petite vitrine bien agencée, un panorama soigné de leur éventail de talents, un équilibre entre agressivité et accessibilité. Mais ça, SLAP RASH s'en tamponnent le coquillard comme de leurs premiers acouphènes. Leur nouvel EP, Monumental Rest, ne se présente pas, il arrache la porte à coups de pied, déboule dans la pièce et hurle en pleine face avant de repartir en fumant une clope. Trois morceaux, huit minutes et trente-six secondes. Court, sec, brutal. Un concentré de rage et d'électricité qui ne laisse aucune place au doute : les deux mancuniens ont enfin trouvé leur son, leur terrain de jeu, leur furie.

Jusqu'ici, SLAP RASH traînaient une sacrée réputation de groupe à voir sur scène. Le premier EP, Catherine Special (2023), avait posé les bases, un bon foutoir punk/noise, mais trop sage, pas encore à la hauteur de leurs prestations live incendiaires. Monumental Rest rectifie le tir avec une approche diamétralement opposée : pas de fioritures, pas de compromis, juste un carnage parfaitement contrôlé. Toujours ancrés dans un punk/noise aux influences industrielles, SLAP RASH prennent leur chaos en main et le dirigent avec une précision chirurgicale. On pense à Black Flag, à Fugazi, à Shellac, mais aussi à Mandy, Indiana, pour la brutalité viscérale et l'approche quasi tribale de la batterie. Sauf qu'ici, aucune posture arty, aucune couche d'électronique pour arrondir les angles. Tout est brut, cut et rêche comme du papier de verre.

Dès Histrionic, Jess nous hurle « You need a reality check! » et ça ne pourrait pas être plus clair. Basse lourde, distorsion sauvage, texte scandé, explosé, hurlé, ça tabasse comme une rafale de poings mais – et c'est là le tour de force – c'est structuré, c'est une putain de chanson. Le piège du punk noise, c'est souvent de se perdre dans la pure violence, mais SLAP RASH intègrent parfaitement cette fureur dans des morceaux qui tiennent debout.

Protective Paints suit la même trajectoire. Une bête de puissance, mais une bête intelligente. On alterne entre des moments de tension pesante, où le silence menace d'exploser à tout instant, et des éruptions de rage qui balayent tout sur leur passage. C'est un jeu d'équilibre permanent, une montée d'adrénaline maîtrisée où chaque coup porté est voulu, pesé, calculé pour faire mal.

Puis Misc Disc déboule avec un mur de son en intro, un déluge de bruit blanc, une tornade de fréquences qui vrillent les tympans avant qu'un riff tranchant à la Fugazi ne vienne vous chopper l'oreille pour ne plus jamais la lâcher. Ça part en trombe, virage à 90 degrés, ralentissement, reboost, accélération dans la ligne droite, looping, force centrifuge qui arrache du sol. Helter Skelter. « I've got blisters on my fingers », claque monumentale.

Rarement un EP n'aura aussi bien porté son nom : après huit minutes de déchaînement sonore, un monumental repos s'impose pour redescendre. Rarement un groupe n'aura aussi bien porté son nom : la claque reçue continue de brûler les joues bien après l'écoute. Et comme de bons masochistes, après une telle gifle, on est déjà prêts à tendre l'autre joue. SLAP RASH viennent de lâcher l'un des EPs les plus violents et maîtrisés de la scène noise actuelle. La seule question qui reste : que vont-ils nous balancer après ça ?