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The Early Mornings
SLAP RASH
Avice Caro
Cowboyy
Human Interest

Paris, Supersonic - 16 février 2023

Live-report par Adonis Didier

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Hashtag 10. La décima. Une fois n'est pas coutume, mais dix fois ça commence à faire, nous nous retrouvons en plein milieu du mois sur le trottoir du Supersonic, avec l'espoir de dénicher les pépites de la musique pop, rock, et punk de demain. La promesse de vous faire découvrir les futures stars du rock après seulement deux chansons enregistrées dans un garage, Sound of Violence et Supersonic, même combat. En parlant de combat, pas besoin de se battre avec le videur ce soir, milieu de semaine et reprise des évènements musicaux obligent, le remplissage du lieu est revenu à un niveau viable et vivable, comprenez qu'on va pouvoir rentrer et circuler dans le Club sans pousser ni insulter personne, ce qui ne nous était pas arrivé depuis maintenant quelques semaines !


De toute façon ce soir on bosse, ce sera donc arrivée à 20h et une entrée en matière tout en douceur avec Avice Caro, jeune anglaise se définissant elle-même comme une chanteuse de contes de fées. Ou une conteuse de chants de fées, à vous les mystères de la traduction. Un chant de fée, c'est bien cela qu'Avice Caro est venue nous offrir en traversant la Manche, elle dont la voix pure et les chansons éthérées, aériennes, rayonnent comme un clair de lune sur le lac de la Serpentine. Seule sur scène, armée d'une boîte à rythmes et d'un omnichord, sorte de synthé produisant accords et arpèges, la jeune femme à la fine robe bleue azurée invite le public à se rapprocher, et à communier avec ses très belles chansons rappelant Weyes Blood, faites de mythes folkloriques allant des îles celtes et bretonnes jusqu'au sommet du mont Olympe. Terminant son court set par une chanson à paraître pour la journée de la femme, Avice Caro nous donne à entendre un petit quelque chose de plus rythmé, élargissant son univers de douceur à des possibilités de trip et de pop plus qu'attrayantes. Autant dire qu'on a hâte d'arriver au 8 mars, et ce pour autre chose que célébrer une journée qui devrait être une année, chaque année, et dont les bonnes intentions mériteraient d'arrêter de se transformer en citrouilles lorsque sonne minuit.


Un transfert fraîcheur du Records vers le Club plus tard, le changement d'ambiance est total, alors mouillez-vous la nuque et attention au claquage, parce que SLAP RASH viennent poser leur matos et leur punk garage en pleine déconstruction sur la scène du Supersonic. Deux mancuniens, un gars, une fille, et pas de temps morts. Pas de guitares non plus. La basse, avec suffisamment de fuzz, ça remplit n'importe quoi. Un fracassage de caisse claire plus tard, sortez les enfants et les fragiles des oreilles, parce que notre nouvelle meilleure amie est une batteuse chanteuse au souffle inépuisable, à la violence vénère, et à l'estomac rempli de vin et de fromage. Pas encore échauffé, le public se prend de plein fouet le bordel en travaux que représente chaque chanson de SLAP RASH, un break par-ci, un autre dans l'autre sens, chaque structure élaborée est démolie dix secondes plus tard sans considérations pour les règles élémentaires d'hygiène et de sécurité. Un dawa sans règles qui rappelle les débuts d'IDLES, programmé un tout petit peu trop tôt pour donner sa pleine mesure dans la fosse. Mais l'heure, les mancuniens ils s'en fichent, alors notre nouvelle batteuse préférée descend nous voir et nous hurler dessus, objectif motivation pogo, chef oui chef ! La fin de show balance les singles Holy Smoke et Cimmerian, le rythme se fait moins erratique, plus martial, la désorganisation s'industrialise, les corps s'entrechoquent en contrebas, et la chaleur est telle que le premier t-shirt tombe, celui du bassiste. Un groupe qui discute, qui rigole, et qui passera le reste de la soirée dans le public, en nous teasant en off sur un EP à venir vers la fin du mois de mars. Ce duo propice à mettre le feu aux poudres passera-t-il l'épreuve du studio ? Seul l'avenir nous le dira, en tout cas nous, on a passé un bête de moment.


Hasards de la programmation ou non, retour au Records et montagnes russes de l'ambiance pour ce qui s'apprête à être la semi-déception de la soirée. Oui, désolé pour le spoil, mais on plaçait en The Early Mornings de grands espoirs, malgré le peu d'affinité que l'on a avec le nom de leur groupe, si ce n'est lorsqu'on sort de boîte entre 5 et 6h du matin. Les mêmes espoirs que l'on mettait dans leur récent EP, sorti il y a tout juste un mois, pour vivre au final les mêmes déceptions. Le trio, lui aussi mancunien, dispose pourtant de chansons « post-punk » à la qualité indiscutable, mais leur énergie est digne d'un instituteur de ZEP en fin de carrière sous Prozac. Les trois anglais, aux dehors de lads fringués pour une sortie balade équestre à travers les champs et les troupeaux de moutons, enchaînent les chansons avec une exécution statique, scolaire, et sans émotions. La voix d'Annie Leader, déjà le point dépression et morne plaine de l'EP, semble avoir laissé sa joie de vivre dans une galaxie très très lointaine, et ce n'est pas le jeu de scène au flegme auguste et au port altier qui va rattraper notre esprit dans son évasion prématurée de la salle. Qu'est-ce qu'il me reste dans le frigo ? J'ai bien coupé mon Wi-Fi en partant ? Et le ballon chinois, encore un coup de Pécresse, comme pour Beyoncé ! Oh putain, la dernière chanson ! Oh putain, un sourire ! Le groupe pousse Annie à lancer Woo Hoo en rappel, chanson originellement écrite et enregistrée par le groupe de rockabilly The Rock-A-Teens, dont la reprise par le groupe japonais The 5.6.7.8's se trouve jouée par le groupe lui-même dans le volume 1 du Kill Bill du célèbre Quentin Tarantino. Impossible de jouer ça sans se marrer, et incroyable mais vrai, c'est bien ce que l'on observe en cet instant de grâce à la rareté égalant celle d'un Entei shiny ou d'un RER C après 23h. Contre toute attente, le groupe nous laisse sur une bonne note, le cœur en joie d'avoir assisté à un tel miracle, et peut-être qu'en prenant confiance, ils finiront par se laisser aller à quelques frivolités scénaristiques telles que, oh grands dieux, taper dans les mains ou chanter un peu fort dans le microphone.


Ultime transvasement de foule vers le Club, et ce sont nos chouchous personnels de la soirée qui viennent faire coucou. Quatre londoniens cette fois-ci, parce que des gens ne cessent de se rajouter sur scène à chaque set, et nous voilà projetés dans un univers débridé, débordant de stupre et de sensualité, suintant la sueur et autres liquides corporels dans l'intérêt de l'humanité. Ecouter Human Interest, c'est se verser du chocolat chaud mêlé à de la chantilly sur le corps au milieu d'un concert des Kills, et ce n'est pas le visuellement agréable duo de tête Cat Harrison et Tyler Damara Kelly qui viendra nous calmer dans nos divagations érotiques. Pardonnez un pauvre chroniqueur égaré tel Dante face à Cléopâtre, mais rarement musique fut plus sexy, charnelle, et lascive qu'entre les mains expertes de ces enivrants jeunes adonis. Fusion pleine de bouffées de chaleur entre la fièvre de Peggy Lee et le duo Alison Mosshart / Jamie Hince précédemment cité, Human Interest assument leurs intentions jusque dans leurs torrides harmonies vocales, à trois pour trois fois plus de piment : « It's not creepy, it's love, I want sex and drugs ». La messe est dite, le curé porte des cornes et une queue fourchue, excusez la tenue il sort de la douche. Une douche qui serait la bienvenue après une nouvelle dose de pogo et de relances à volonté dans un Supersonic au bain marie, oh mon diable cette folie qu'est Mixing Paint.

Mais la douche attendra, car un nouveau shérif fait battre les portes du saloon, et quatre Daltons de Portsmouth enfourchent leurs guitares et s'empressent de jouer les Cowboyy. On penserait bien à faire d'autres blagues un peu douteuses à base d'ouest sauvage et de nouveau western, mais on n'est pas près de retrouver du souffle ou de la lucidité ce soir, vu comme les quarante minutes qui vont suivre s'annoncent chelous, et tout sauf Rantanplanplan. Cowboyy, sur scène, c'est donc un guitariste chanteur qui passe chaque moment séparant deux chansons à jouer trop vite et un peu n'importe comment tout en triturant ses quarante-cinq pédales d'effet, pendant que son batteur se défoule tout ce qu'il peut en expliquant au rythme qu'il peut bien aller se faire foutre, sous les yeux mi-amusés mi-consternés de leurs deux collègues bien obligés de subir cette avalanche de foutoir avec nous. Heureusement, il y a aussi les chansons, et là si vous aimez black midi, vous allez être servis. Batterie ultra technique constamment sur le fil entre énergie punk et math-rock polygonal en douze dimensions, guitare qui mélange whammy, fuzz, et delay tout en bourrant plus de notes par mesure qu'il n'y a de gens dans la salle, pendant que la rythmique et la basse s'efforcent de tenir leurs parties respectives sans se perdre. Comme ça, ça a l'air d'être n'importe quoi, dans les faits ça l'est, mais comme pour un concert de black midi, la sauce prend comme par magie, et la violence de l'interprétation se propage dans la fosse, dégage une énergie libératrice, exubérante, stupidement too much, mais tellement plaisante à expulser, et faire exploser contre les copains d'à côté. Les murs se resserrent, le pogo aussi, de plus en plus dur, de plus en plus sale, à tel point que le frontman guitariste Stanley Powell ne manquera pas d'insulter les quelques énergumènes ayant osé pogoter trop près de son précieux rack de pédales à 2000 balles. Heureusement que le bassiste Reubin Yarnold sert de porte-parole à la place de son énervant compère tête à claques, et enchaîne sur les dernières chansons du set, vraies réussites balançant entre lourdeur, headbang, et déchaînement de technique en excès de vitesse. Un Cowboyy de scène qui est donc infiniment différent de ce qu'il rend en studio, où il se confond avec nombre de groupes anglais du moment, enfant talentueux mais perdu dans la masse des Lounge Society, Humour, DEADLETTER et autres black midi. Je vous ai déjà parlé de black midi ?

Qu'est-ce qu'on en retire ? Une soirée qui surprend par son caractère hétéroclite, nous ayant évité le typique groupe de britpop de 22h30, et encore une fois de très belles découvertes, Human Interest et SLAP RASH en tête. On a aussi chopé la crève dans l'affaire, et malheureusement pas beaucoup plus, si ce n'est le métro du retour, mais si j'en suis à divaguer autant, c'est qu'il est temps de poser les stylos, et de vous donner rendez-vous pour une prochaine édition des soirées They're Gonna Be Big, car après dix la plupart du temps il y a onze.
setlist
    Avice Caro
    Non Disponible

    SLAP RASH
    Non Disponible

    The Early Mornings
    It's Not What You Want
    Love's Not Hard
    Ultra-Modern Rain
    Refresher
    Days Spent
    Not Content
    Blank Sky
    Just A Picture
    Yoni
    Woo Hoo (The Rock-A-Teens cover)

    Human Interest
    Step On
    Mixing Paint
    All My Friends
    Cool Cats
    Alive
    Feel Good
    Spiced Apple
    So Smart

    Cowboyy
    Non Disponible
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