Un an et quelques jours après notre dernière rencontre au Supersonic Records à Paris, nous retrouvons enfin Otala sur disque, avec la parution de leur premier EP intitulé Fire! To The River. Cette étonnante formation nous avait véritablement tapé dans l'œil lorsque nous l'avions découverte, alors dans la pénombre et l'étroitesse de la Seine Café, lors de la première édition de la Block Party. Malgré des conditions aventureuses (nous râlons régulièrement c'est vrai, mais au final, nous l'aimons bien notre petite cave), le style si atypique d'Otala, soit un jazz rock ambiant assez tourmenté, nous avait marqué et surtout donné envie d'en savoir plus.
En 2025, le groupe formé d'Oscar Thorpe au chant et à la guitare, Rory Allen à la basse, Charlotte Foulkes au saxophone, Jack McInnes au clavier et Jacob Wing à la batterie nous propose enfin son premier essai sous la forme d'un EP garni de sept titres qui vous emportent loin, très loin des sentiers battus post-punk auxquels nous nous attendons généralement chez les jeunes formations britanniques. Ici, les Anglais de Nottingham se forgent une identité empreinte de jazz expérimental qui peut en dérouter plus d'un. L'ambiance se veut ouatée, presque claustrophobe, le saxophone de Charlotte traçant sur chacun des morceaux un fil conducteur qui nous entraine dans des contrées sonores toutes aussi voluptueuses (Everything But The Hate, A Reflection) que chaotiques (The Taste Of Silica, The Seamstress).
Portées par une cadence qui se veut tout sauf régulière, les salves de guitares se confrontent aux rafales de batteries entre deux parenthèses où la basse va venir, de son empreinte presque plombante, casser volontairement le rythme. Les chemins sont tortueux dans la musique d'Otala, et cela rend le tout des plus intéressants. Le chant déclamé d'Oscar Thorpe apporte la profondeur nécessaire pour mettre en exergue ce genre qui n'est pas accessible à tous. Son ton extrêmement grave réussit lors de saillies impressionnantes à disséminer tout au long de l'écoute une tension palpable et assez irrésistible.
Malgré des formats plutôt courts, nous réussissons à rentrer dans une espèce de transe à l'écoute de ces morceaux entêtants. Quant au dernier titre Daisy, c'est sur plus de six minutes qu'il nous plonge dans le psyché torturé d'Otala. Fire! To The River est un premier EP incroyablement audacieux, dont l'univers quasi mystique ne peut laisser quiconque indifférent, cette confrontation se révélant être une expérience musicale unique en son genre.