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The Telescopes

Paris, La Mécanique Ondulatoire - 30 janvier 2014

Live-report par Mélissa Blanche

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Ce jeudi 30 janvier, à la « Méca », on est venus célébrer le psychédélisme – le psychédélisme sous deux formes diamétralement opposées. D'un côté, le rock psyché et sympathique des Français de Little Brain Attack. De l'autre côté, le shoegaze/noise rock/space rock – appelez ça comme vous voudrez – noir, bruitiste et muet des Telescopes anglais.

Le premier groupe est en retard. Un problème de location de voiture, nous dit-on. Pour autant, ça n'affole pas notre petit monde qui continue de siroter ses bières au bar. Le concert commence finalement autour de 21h40. Les cinq musiciens se débrouillent bien, et déclinent une musique héritée de Black Rebel Motorcycle Club et des Black Angels, à la fois psyché et furieuse, très planante mais très rock. Le public est réceptif. Les amis du groupe se sont mobilisés au premier rang, tout le monde dodeline de la tête en cadence et on entendra même quelques « bravos » à la fin. Le groupe est jovial. Le bassiste déborde d'énergie, mais il ne se lâchera vraiment qu'à la fin, lorsqu'il montera sur la batterie, dans la plus pure tradition des concerts-de-rock-de-sous-sols-de-bars-qui-sentent-bon-la-bière.

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Viennent ensuite les Anglais shoegaze de The Telescopes, beaucoup moins bavards ou souriants. Le shoegaze n'est pas un genre tout à fait comme les autres. A fortiori, The Telescopes n'est pas un groupe tout à fait comme les autres. Il y a quatre mois, ils sortaient un album qui ne comportait que deux morceaux, d'une petite vingtaine de minutes chacun – rien que ça – et qui ne s'encombrait guère de chant, de paroles, de mélodies ou de tout ce qui rend un morceau écoutable aux oreilles du plus grand nombre. Ce soir, les voilà qui mettent cela en pratique.
Étonnamment, ça fonctionne. C'est du bruit, du bruit qui fait mal, mais qui réussit à faire du bien quand même. The Telescopes est un groupe terriblement psychédélique en ce qu'il nous emmène au-delà de nous-mêmes et au-delà du monde qui nous entoure, pour nous faire voir de plus près le ciel et les étoiles. Il suffit d'y croire un peu. C'est un voyage dans l'espace, planant, hypnotisant, transcendant ; mais mieux vaut agrémenter le voyage d'une bonne paire de bouchons d'oreille. On ne sait plus si c'est le chanteur ou les guitares qui crient. Les guitares sont totalement distordues, le chanteur pousse de longs râles. Il passera la moitié du concert agenouillé sur la scène à tenir son micro si près de sa bouche qu'on croirait qu'il s'apprête à le dévorer. Il a l'air épuisé ; ce qu'il fait a l'air épuisant.

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Le groupe est arrivé sans un mot, il repartira de même. Ils n'ouvriront pas la bouche de tout le concert. A vrai dire, dans cette atmosphère qu'ils ont créée, les mots n'auraient pas leur place. C'est le chanteur qui quitte le premier la scène, descendant soudainement dans la fosse comme s'il s'apprêtait à revenir, tandis que ses acolytes continuent de jouer. Cependant il ne reviendra pas, et bientôt ce sont les autres musiciens qui quittent la scène sans plus de commentaire. Mais, chose surprenante, la musique continue. Les musiciens laissent derrière eux les sons et les résonances de leurs guitares saturées et distordues. Et ces sons ne s'affaiblissent aucunement. Ils continuent pendant un bon moment après que la scène a été totalement désertée. Le bruit – ou la musique, suivant les appellations – ne perd rien de sa puissance.

En somme, les Telescopes réinventent le concept de concert. Après le concert sans musique de John Cage, voilà les concerts sans musiciens. Car le concert continue bel et bien. Si quelques membres du public se sont sauvés, la plupart des personnes sont toujours là, quelque peu déconcertées, mais aussi amusées, curieuses, intéressées. Le groupe a disparu dans la nature. Ce sont des techniciens qui viendront baisser progressivement le volume des amplis, jusqu'à les éteindre totalement. The Telescopes n'est définitivement pas un groupe tout à fait comme les autres.