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Section 25

Paris, Elysée Montmartre - 6 novembre 2008

Live-report par Jean-Christophe Gé

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Un magicien psychopathe a déchiré le rideau du temps et fait tomber l'Elysée Montmartre dans une brèche spatio-temporelle. Pour réussir son tour de magie, il a accroché de grandes teintures noires dans l'ancienne salle de boxe, l'expérience ne peut pas réunir plus de trois cents témoins. L'objectif, revivre une soirée dans le Manchester de l'hiver 1980-1981. Pour que la reconstitution soit plus réaliste il fait appel à :

- un designer qui réalise les affiches de cette foire ambulante qui va aussi passer par Bruxelles, Oss aux Pays Bas et Krefeld en Allemagne
- une troupe de figurants anglais qui parlent très fort avec un accent du nord
- une poignée d'artistes de l'époque : Kevin Hewick, Section 25 et Peter Hook, bassiste de Joy Division et de New Order, puis de Monaco. Pour la cohérence de la reconstitution historique, aucun titre de Monaco ne sera joué, trop années 90.

Le casting est authentique, mais pas virtuose. Section 25 chante autant ses titres qu'il les parle, alors que Peter Hook était régulièrement (et injustement) la risée de Bernard Sumner de New Order pour ses qualités de bassiste. Il entretient en plus un faux air de branleur nonchalant. Alors que pouvons nous attendre de cet événement ? Il faudra attendre. Attendre longtemps car le concert ne démarre qu'à vingt heures malgré une ouverture des portes à une heure très avancée.
Et attendre davantage car le premier à monter sur scène est Kevin Hewick et sa guitare acoustique. Vieux pote, il aurait même été pressenti pour chanter avec New Order après le décès de Ian Curtis. Il est heureux de faire son premier concert parisien après trente ans d'une carrière plus ou moins maudite. Ses chansons de pop seventies en solo acoustique ne convainquent pas la foule qui attend devant le petit bar de l'Elysée.

Après une pause qui semble une éternité, un groupe monte sur scène, il s'agit de Section 25. Pas de Peter Hook ni de gros ampli avec « Salford » peint dessus. Up To You pour commencer, « it is up to you », répète Larry Cassidy avec ses faux airs de papy ou de Brigitte Fontaine inoffensive. Section 25 joue avec un son martial et glaçant, exactement celui qu'on peut entendre sur le concert de 1982 sorti par LTM. La reconstitution est parfaite car incarnée et authentique. Il ne s'agit pas jouer la comédie de 1980, les chansons sont vivantes, raccourcies comme des petites tranches de vies transmises à des intimes ou des inconnus qui le deviendront.
Petit à petit, le groupe fait monter la pression, le tempo des titres s'accélère jusqu'à After Image, morceau psychédélique qui met le public dans une transe urbaine. Il y a aussi, en backstage, un quinquagénaire qui danse bizarrement, de dos, en balançant largement les bras. Quand il se retourne c'est pour arriver sur le devant de la scène armée d'une basse. Peter Hook a rejoint Section 25.
Grosse basse, grosse batterie guitare acérée, le chanteur de Section 25 déclame « So long sitting here, didn't hear the warning. Waiting for the tape to run ». [ « Resté si longtemps ici à attendre, pas entendu l'alerte. Attendre que la cassette démarre » ]. C'est l'introduction de No Love Lost, un des premiers morceaux de Joy Division. Rare, brutal, sombre, typique, il est inspiré du livre dans lequel le groupe a trouvé son nom.

On n'ose pas en croire ses oreilles, la vue nous ramène à la réalité. Rires nerveux et blagues des fans avec un Peter Hook jovial. Pas le temps. 3 5 0 1 2 5 Go hurle Larry. Tout le monde reconnaît le très punk Warsaw de Joy Division. Le public est paralysé devant cet instant mythique. Le groupe aussi qui oublie de démarrer. Pas grave, Larry redémarre pour de bon ce coup-ci.
Des loupés il y en aura beaucoup. Il est étrange de voir ces musiciens aguerris et complices se planter autant. Et pour cause, ce répertoire ils ne l'ont jamais joué ensemble ailleurs qu'en répétition. Et c'est d'ailleurs l'impression que l'on a. Celle d'être invité à un bœuf entre amis, ce qui est sympa de leur part, ne manquant donc que la bière gratuite.
Après cinq titres de Joy Division, Peter chante Dreams Never End de New Order. Jouées par d'autres, les chansons de New Order refusent de livrer tous leurs secrets et voici l'occasion de réaliser qu'elles sont bien plus sophistiquées que ces bluettes pop en ont l'air. Hooky est un véritable musicien, voire un chef d'orchestre débordé qui n'arrive pas à sauver Temptation d'un naufrage complet. Amusant, touchant, amical... au moins il y a des sentiments qui s'échappent de tout ça.

Love Will Tear Us Apart clôture le set. Qu'attendre de plus ? Un petit rappel, commençant par un titre de Section 25 puis le torturé et bien nommé Doubts Even Here chanté par Peter comme sur Movement, le premier album de New Order. Ainsi s'achève ce concert mythique. Ce n'est pas le genre de soirée que l'on peut sortir en DVD car presque tous les morceaux ont eu leur lot d'erreurs, mais un moment comme celui-ci partagé avec des héros de 1980, c'est une expérience que je ne regrette pas d'avoir vécu.
setlist
    Up To You
    Wretch
    Charnel Ground
    Can't Let Go
    After Image
    No Love Lost
    Warsaw
    Interzone
    She's Lost Control
    Shadowplay
    Dreams Never End
    Ceremony
    Temptation
    Love Will Tear Us Apart
    ----------
    Section 25 song
    Doubts Even Here
photos du concert
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