La musique de Benefits est authentique, habitée, puissante… mais difficile à cataloguer. Est-ce du punk, du rap ou de l'électro ? Nous n'aurons pas de réponse ce soir, et à voir la diversité des artistes invités autour des Britanniques, les programmateurs ont dû se poser la même question.
C'est le français
Paul Parking, échappé de The Psychotic Monks, qui ouvre seul avec sa trompette et des synthétiseurs modulaires (ndlr : ceux avec tous les câbles), sa musique gagnant en personnalité et ne perdant rien en folie. Entre la trompette et les effets, la musique et l'ambiance sont délicieusement étranges et me rappellent que dans quelques semaines ce sont These New Puritans qui se produiront à Petit Bain. Les notes de trompettes se perdent avec du delay dans des boucles et elles se superposent avec celles des synthés, Paul y ajoute quelques mots. J'entends également des pulsations sculptées par des filtres, comme la bande originale d'une pièce de théâtre conceptuelle, aussi étrange que poétique. L'intelligence artificielle peut faire de la pop mais elle ne peut pas faire ça, sous des airs désincarnés et apocalyptiques, cette musique est très humaine.
Paul se chauffe et danse sur scène sur une musique pas évidente, mais il nous invite dans son délire. Petit à petit, la musique devient plus conceptuelle, mais la boîte à rythmes se fait aussi davantage entendre avec un beat de rave party, ou l'idée que je m'en fais. Un son organique pas inintéressant vient s'inviter dans le mix, mais c'est juste un des modules qui est tombé par terre. Il faut avoir le feu sacré pour produire un tel set dans une salle non acquise mais très attentive. A mi set, Paul prend la parole pour nous présenter ses synthés, et aborder la flottille en route pour la Palestine. Il enchaîne sur une chanson mélancolique, la fête est finie. Après ce presque interlude où la voix remplace la trompette, le show reprend son cours avec des rythmes de plus en plus présents et se conclut dans une ambiance de rave surréaliste.

L'avantage de ces line-ups essentiellement électroniques est que le changement de matériel se fait assez rapidement et c'est très vite au tour de
Benefits de monter sur scène. Kingsley Chapman arrive comme un touriste en villégiature avec un bermuda blanc et un maillot de football rose affichant "Pacha Ibiza". Il se présente dans la langue de Molière, “bonjour je suis français", et ce sera tout. On voit très vite qu'il n'est pas là pour rigoler. Avec Robbie Major, ils se font face, renforçant l'aspect guerrier de leur musique même s'ils commencent tranquillement avec
Constant Noise, le titre d'ouverture qui a aussi donné son nom à leur second
album sorti au printemps. Après ce poème lu sur des nappes douces, la boîte à rythmes se met en marche, le ton monte, Kingsley devient plus vindicatif et il se tord dans tous les sens sur le très politique
Land Of The Tyrants. C'est l'automne sur scène, le chanteur jette de grandes feuilles A3 avec les paroles à chaque fois qu'il finit un morceau.
Un nouveau cap est passé avec
Warhorse dans une version plus brute et plus sombre que sur
Nails. Kingsley se libère de ses machines et vient haranguer le public devant la scène en criant "Do not beg, do not bow" (ndlr : "ne mendiez pas, ne vous courbez pas”]. La tension monte même dans la sono avec de la distorsion sur la boîte à rythmes, les synthés et la voix rendant les paroles de
Lies And Fear un peu plus difficiles à comprendre. Barry prend un violon (avec de la distorsion) pour
Missiles, la musique en devient plus bruitiste et encore un peu plus puissante.

Avec une douzaine de pédales devant les synthés, c'est un mur du son que monte le duo pour construire un tunnel psychédélique qui emmène le public dans la quatrième dimension. On en oublierait presque que le show avance très vite vers la fin. Barry reprend la parole en français pour nous dire qu'il n'aimait pas le PSG jusqu'à ce que ses supporters soutiennent la Palestine en finale de Coupe d'Europe. Peut-être grâce à ses encouragements, ce soir le club battra le FC Barcelone 2-1 en Ligue des Champions. Le set est raccourci et se termine trop tôt sur une excellente reprise, à la sauce Benefits, du
Born Slippy d'Underworld.
Disposant de deux albums très différents, Benefits brouillent un peu plus les pistes avec un set qui montre encore une autre facette de leur talent, sur scène on découvre un groupe qui joue presque comme au théâtre pour un spectacle aussi sincère que vivant.