Keith

Qui mieux que Keith peut incarner l’exception britannique dans le domaine de la poprock ? Là où les autres cultures tournent en ronds et se mordent parfois la queue en n’ayant de cesse de reproduire le modèle des références mythiques du passé, voire de se plagier mutuellement et de décliner à l’infini un son éculé, les formations d’outre-Manche créent, innovent et transgressent les règles établies. En effet, dès les premières mesures de Vice And Virtue, on nage à contrecourant, on bouscule les clichés et on dynamite les critères du genre.

Ainsi Can’t See The Faces, véritable petit bijou de rock indépendant, nous gratifie d’une touche intuitive et subtile, à la manière d’un Future Kings Of Spain ou d’un Serafin. Il en résulte une composition conceptuelle, emmenée par un chant nasillard, répétitif, rugueux et vif, et dont l’atmosphère nous prend littéralement aux tripes. Officiant dans un registre similaire, Lullaby et Lucid nous proposent toutefois une profondeur et une richesse moins dépouillées et, ô coïncidence troublante, plus dans la veine de The Cure.

Si Up In The Clouds nous dévoile la facette la plus énergique et agressive de la formation, par le biais de guitares saturées et d’une multitude de variations vocales, les bluettes minimalistes et acoustiques, à l’instar de Runaway Town et With Me, sont aussi de la partie. Mais le point d’orgue de l’opus est sans nulle conteste le superbe Don’t Want To Be Apart, aux accents très émouvants, rehaussés par une rythmique dépouillée au piano.

Terre de contrastes et de sentiments, Vice And Virtue est aux antipodes de la platitude et de la monotonie du rock préfabriqué, étant on ne peut plus humain et, par là-même, nous faisant vibrer et ressentir des émotions fortes et vraies. Et la meilleure preuve en est l’envolée finale du titre progressif qui donne son nom à l’album. Car on ne doit jamais perdre de vue que ce n’est pas la musique qui fait les artistes mais les artistes qui font la musique.