U2

Que peut-on bien attendre encore d'un groupe comme U2 en 2009 ? La question mérite d'être posée à l'heure où leur douzième album studio, No Line On The Horizon vient de débarquer sur le net, dans les bacs, les radios, les télévisions, les hypermarchés, les aires de repos et les charcuteries bio spécialisées. Car le premier constat qui saute malheureusement aux yeux, c'est qu'il est bien délicat de poser calmement les oreilles sur ce nouvel album sans être d'avance écœuré par le battage médiatique qui accompagne désormais le demi-dieu Bono dans chacune de ses actions.

Si la découverte de la pochette audacieuse de ce No Line On The Horizon avait pu intriguer quant à son contenu, les premières écoutes du catastrophique single Get On Your Boots avaient déjà grandement calmé les ardeurs des plus enthousiastes: originale voire expérimentale (arf !) pour une grande frange de leur public, cette chanson boursouflée d'influences diverses mais non-digérées s'apparente plus à une jam pathétique de diversification ratée (n'est pas Josh Homme qui veut !) qu'à un single de qualité.
Et pourtant, les premières mesures de la chanson titre qui ouvre l'album arrivent quand même à faire renaître l'espoir: une rythmique aérienne bien sentie sur laquelle vient se poser la toujours impressionnante voix de Bono et le tour est joué. A priori, très (trop!) inspirés par les derniers travaux des Kings Of Leon ("Ao-Aoh-Aoh-Ooh" de stades jusqu'à l'indigestion, et ce sera valable pour tous l'album!), le mi-tempo pop-rock aérien reste quand même définitivement le domaine de prédilection de U2.
Encore plus réussie, Magnificient, deuxième single choisi, qui aurait bien entendu du être le premier, renoue vraiment avec le meilleur des irlandais et s'annonce comme une énorme pièce de bravoure pour la très prochaine tournée planétaire du groupe. Mais les sept minutes interminables de Moment Of Surrender viennent partiellement gâcher ce bon démarrage et même si l'évidence mélodique du morceau sauve partiellement les meubles, on sent malheureusement l'ennui déjà pointer le bout de son nez…

Malgré la production sobre mais réussie du trio Brian Eno/Daniel Lanois/Steve Lillywhite, le cœur de ce No Line On The Horizon est en effet un ratage quasi-total qui voit U2 s'auto-parodier jusqu'au ridicule (les soporifiques Unknown Caller et Fez – Being Born, la tentative foireuse de mélancolie adolescente de I'll Go Crazy If I Don't Go Crazy Tonight) ou s'essayer à des écarts de style confinant au massacre auditif (Get On Your Boots donc mais aussi Stand Up Comedy qui se veut fun et sexy mais qui sonne comme un funk blanc du pauvre).
La ballade apaisée White As Snow reste écoutable mais on ne peut dire que l'on soit transporté d'émotion par cette mélodie dont on a l'impression de l'avoir déjà entendue une centaine d'autres fois ailleurs. Pourtant, le final de l'album s'avère, à l'image du début, un peu plus pertinent grâce à l'éclair d'énergie Breathe et son chouette solo guitare ainsi que la dernière plage, Cedars Of Lebanon, mi-parlée, mi-chantée par Bono qui retrouve enfin une justesse de ton, une certaine humilité qui transparaît dans sa voix pour la première (et dernière!) fois sur ce disque.

Vous l'aurez compris, hormis les fans de longue date qui hurleront (comme à chaque nouvel album de U2) que c'est enfin le disque de la renaissance pour le groupe, il faut bien avouer que, comme lors de la sortie du très inégal How To Dismantle An Atomic Bomb, c'est la déception qui l'emporte malgré les sursauts ponctuels de quelques chansons prises séparément.
Ce qui choque le plus au final, c'est l'absence d'idées, de mélodies nouvelles ou d'énergie communicative (qui elle était bien présente sur le sous-estimé All That You Can Leave Behind): même la rythmique fidèle au poste depuis tant d'années semble absente, léthargique et dépassée par les événements, même The Edge, guitariste émérite, peine à trouver l'inspiration et à élever les morceaux vers d'autres horizons. Reste Bono bien sûr, plus que jamais leader du groupe et toujours en voix mais son omniprésence « sarkozienne » semble entraîner le groupe vers le bas comme si l'écrasante notoriété actuelle de son leader disloquait petit à petit l'étonnante unité que possédait U2 depuis leur début en 1976.
La prochaine tournée mondiale sera certainement très lucrative pour le groupe et très réussie pour les fans mais à l'image des derniers efforts studios d'AC/DC ou des Rolling Stones, on se rend compte combien il est difficile pour un dinosaure du rock de rester pertinent avec la parution d'un nouvel album aujourd'hui…même si l'on sait d'avance qu'en concert le spectacle sera bel et bien au rendez-vous.

La balle est désormais dans le camp de Depeche Mode…