The Very Best

Sujet de partiel de géographie culturelle : la musique est-elle encore une culture localisée ? Même en quatre heures sur table, la question reste profonde et insolvable. D'une part, certaines spécialités restent l'apanage d'une région, voir d'une ville bien localisée. Chez nous on appelle ça parfois même très prétentieusement « l'exception culturelle française », la bonne blague... D'autre part, à l'heure de l'économie globalisée, du réseau Internet mondial, plus que jamais aujourd'hui, il devient quasiment impossible de ne pas avoir jeté l'oreille une fois sur une des nouvelles musiques issues du creuset infini du troisième monde, Kuduro, Baile Funk, Kwaito, Coupé-décalé...
Radioclit, duo de producteurs franco-suédois exilé à Londres, sorte d'enfants légitimes du défricheur américain Diplo, eux aussi formés à l'école des ghetto music, se sont associés avec un chanteur malien rencontré par hasard dans une boutique londonienne et ont ainsi créé ensemble The Very Best.

Ne vous fiez pas avec le morceau d'introduction (Yalira) tout droit sorti de la bande originale du Roi Lion, le disque est d'une rare modernité. Nous sommes bien loin des fusions tiers-mondistes pleines de bons sentiments issues du complexe colonialiste occidental que l'on nous sert si souvent. Inutile de dire que le mélange est tellement homogène et judicieux, qu'il est même injustifié de parler de fusion, car ici l'ensemble ressemble plutôt à un smoothie sucré, onctueux et velouté. A cette image, l'incontournable tube de l'album, Warm Heart Of Africa, morceau enregistré avec le vampire blanc fardé New Yorkais Erza Koenig, est un modèle du genre autrement plus sexy que Johnny Clegg.
Si les morceaux pop sont plutôt intéressants, ils sont en dessous de ceux les plus électroniques, à l'image de la bombe Julia ou la deep house de Nsokoto. Malheureusement, le disque s'essouffle dans sa deuxième moitié, notamment avec un featuring très décevant avec MIA, faisant de la danse de la pluie une comptine un peu fadasse. Nous noterons même un vrai raté, Mfumu, sorte de world dance music accompagné par un immonde clavier trance en contre temps que n'aurait pas renié le label Real World de Peter Gabriel au milieu des années 90. Pour peu, nous avions le droit à un solo de flûte de pan.

Warm Heart Of Africa était précédé d'un buzz mérité. Peu de disques peuvent prétendre avoir aussi bien adapté l'héritage tropical avec autant de simplicité et d'évidence, en dehors peut-être du trublion psychédélique barcelonais El Guincho, des remuants Buraka Som Sistema ou M.I.A. The Very Best font donc désormais partie du peloton de ces gens qui renouvellent la pop music internationale. Ce n'est pas encore un grand disque, mais certainement un excellent départ.