Comment réaliser une critique d’un style de musique qu’on adore ? Comment différencier une chronique d’un album de Johnny Flynn d'une autre de Noah & The Whale ou Fionn Regan ? Est-ce la diversité qui va rendre plus intéressant tel album plutôt qu’un autre ? Est-ce la voix éraillée, grave ou suave d’untel qui va nous émerveiller plus qu’une autre ? Est-ce le nombre d’instruments utilisés dans un album qui va peser dans la balance ? Sont-ce le passé, les sentiments, la personnalité, les centres d’intérêt du chroniqueur qui vont mener la critique ? Oui, une critique d’album, de jeu vidéo, de film est purement subjective, mais à quel degré ?
Car, avant même de lancer
Been Listening, tout amateur de folk rock sait que, même en y mettant de la meilleure volonté, il ne pourra décemment pas détester ; et tout fan de Johnny Flynn sait que ce garçon a du talent à revendre et a très peu de chance de décevoir. Comment critiquer alors un style de musique qu’on adore ?
C’est lorsque l’album se termine et que l’on a passé plus de temps à l’écouter qu’à continuer sa partie de Manhunt 2 que l’on s’aperçoit que ce style qu’on aime tant peut encore nous tenir subjugué cinquante minutes durant. Il faut aussi dire que Manhunt 2 est très mauvais, démultipliant alors l'attachement porté à ce disque.
C’est lorsque
Been Listening se termine que l’on s’aperçoit de la profondeur du folk dans sa globalité. Blues, pop, jazz, country sont présents tout au long de l’album pour nous surprendre, se croisant, se tenant à l’écart, se confrontant. Plus maîtrisé que
A Larum, ce second album témoigne d’une maturité dans les arrangements et d’une précision chirurgicale quant aux émotions qu’il parvient à susciter chez l’auditeur.
Johnny Flynn convainc aussi bien sur la guillerette
Kentucky Pill (composition pourtant la moins réussie) que le
Dylanien
Sweet William, dont la
Part 2 se veut plus convaincante que la
version 2009 du titre. Cédant sa place à des violons fous, des rythmiques changeantes et des chœurs en bouche, la
Part 1 plutôt monotone évolue en une chanson toujours aussi classique, toujours aussi Dylanienne, mais cette fois diversifiée, inspirée et ne se reposant plus sur ses acquis, sur ses influences évidentes.
A l’instar de son prédécesseur,
Been Listening ne se laisse pas sagement écouter d’une oreille distraite, il tient en haleine du début à la fin, du trop court
Lost And Found à la performance de
Howl, de l’électricité froide de
Been Listening à la ballade progressive
The Prizefighter And The Heiress, de la folk simple et somptueuse de
The Water, accompagné de la diva
Laura Marling, à la mélancolique
Amazon Love qui aurait été parfaite sur une moitié des scènes du O' Brother des frères Coen.
Objectivement, Johnny Flynn a du talent. Subjectivement, il est un génie. En deux albums, le jeune londonien a su se faire un nom en imposant un songwriting sincère et poignant, accompagné qui plus est de toute une clique folkeuse qui a forgé la musique britannique de ces deux trois dernières années (Noah & The Whale, Laura Marling, Emmy The Great, Lightspeed Champion…).