Detachments

Composer un disque d'obédience post-punk / cold wave est vraiment devenu un exercice casse-gueule en 2010. Nous avons tout ou presque entendu dans le domaine et la tendance est plutôt aux flagrantes déceptions (O. Children) ou aux séparations anonymes (Project:Komakino, Neils Children). Un certain Bastien Marshal, leader des biens nommés Detachments, tend à démontrer le contraire. Alors que d'autres racolent pour trouver un nouveau public, Detachments sort un album dense et sans compromis.

Dans le creuset de Marshal, on pile le post-punk dans une mixture d'electro, de synth-pop, allant même jusqu'à broyer du noir, indus ou EBM (I Don't Want To Play). Il en résulte une musique mécanique, hachée et extrême (H.A.L.). Il n'est surement jamais aussi pertinent que dans ses travaux les plus funestes et oppressants comme les sublimes You Never Knew Me ou Fear Not Fear et son final acid purement dantesque. Mais la force du garçon réside peut-être dans un surprenant talent pop, dans une facilité déconcertante à faire jaillir des mélodies brillantes aux milieux d'ambiances plombées et anxieuses (Audio/Video). Et par dessus tout, il évite l'écueil du fard gothique souvent bouffon et caricatural (ou pire, sado-masochiste), déguisement bien trop souvent revêtu par ses confrères.
Pourtant, Detachments ne manque pas d'apparat grâce une production analogique, violente et intelligente du trop rare Trevor Jackson (souvenez-vous Playgroup) et de James Ford, dans un exercice où il a rarement été aussi perspicace. Les claviers, rythmiques et textures sont admirables, on n'avait pas entendu pareil fracas depuis au moins les meilleures années des labels Output ou International Deejay Gigolo.

Nous savions le garçon talentueux mais ce premier album est un superbe surprise. Passé les quelques singles imparables auxquels nous étions presque habitués, l'album ne souffre d'aucun temps morts et chaque morceau constitue un jalon de son effrayante violence noire. Ce disque secoue, assène des coups dans les cotes, brûle les doigts et donne des poussées d'adrénaline.