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PJ Harvey

Let England Shake

PJ Harvey - Let England Shake
Chronique Album
Date de sortie : 14.02.2011
Label : Island
5
Rédigé par Chloé Thomas, le 22 février 2011
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En huit albums, nous nous étions habitués, de la part de Polly Jean Harvey, à de la qualité; à de la surprise; à un renouvellement permanent et rarement raté ou vain. A de l'éblouissement, même. Or Let England Shake dépasse toutes les espérances. C'est un album dont la profondeur, la pertinence, ici et maintenant, la nécessité même, s'imposent comme autant d'évidences.

Que ceux qui regrettent la PJ minimaliste des débuts ravalent leurs soupirs, aucun son n'est de trop ici et l'orchestration sert à merveille un disque extrêmement ambitieux, riche de références littéraires et musicales et en même temps entièrement personnel. Certes, il y a cette voix inimitable, sur laquelle on pourrait écrire beaucoup; cette poésie de haute tenue, cette recherche... Mais l'on n'aurait rien dit si l'on s'arrêtait là. Let England Shake est un album cohérent, obstiné, brodant autour de souvenirs de guerre pour donner un des plus beaux manifestes pacifistes depuis La Grande Illusion de Renoir.

« Let England Shake / Weighed down with silent dead ». Ce sont ces vers qui ouvrent l'album : « Que l'Angleterre tremble / Sous le poids de morts silencieux ». La première guerre mondiale est la matrice d'une Angleterre troublée par l'horreur, regardant impuissante les cadavres qui s'amoncellent. Les trompettes guerrières sont voilées par un chant d'apocalypse (The Glorious Land). Il est question de cimetières et de meurtres aveugles, de boucherie inutile. Si l'histoire anglaise est invoquée précisément, notamment dans Battleship Hill, il ne s'agit pas d'en dresser un mémorial destiné aux enfants des écoles. Car si PJ Harvey décide de parler de guerre, c'est bien parce que la guerre est à nos portes, même si l'on ne l'entend plus. Il y a l'Irak, bien sûr, avec Written On The Forehead - que l'anglaise est l'une des premières, dans la musique, à oser aborder, comme si le pacifisme était devenu un objet aussi daté que les chemises à fleurs, comme elles disparues quand l'Amérique se retirait du Vietnam.

PJ Harvey ce faisant propose un disque sur l'Angleterre, comme Peter Doherty a pu le proposer récemment, mais avec une verve différente. Il n'est pas question ici de dandysme vain ni de garçons qui s'ennuient; mais comme chez Doherty, l'Angleterre de Harvey est crépusculaire, désespérément « fin de siècle » alors que s'ouvre un nouveau millénaire. Il y a ces visions que l'on voudrait oublier (The Words That Maketh Murder), tous ces refoulements sur lesquels se construit une identité nationale (voire européenne), et qui, dans les mots, dans la voix de PJ Harvey, nous reviennent en pleine face. Ce pays, c'est la Waste Land de T.S. Eliott. C'est violent, et c'est surtout essentiel.
tracklisting
    01. Let England Shake
  • 02. The Last Living Rose
  • 03. The Glorious Land
  • 04. The Words That Maketh Murder
  • 05. All and Everyone
  • 06. On Battleship Hill
  • 07. England
  • 08. In The Dark Places
  • 09. Bitter Branches
  • 10. Hanging in The Wire
  • 11. Written On the Forehead
  • 12. The Colour of the Earth
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    The Words That Maketh Murder, On Battleship Hill, England, Let England Shake
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