The Answering Machine

Forts d'un premier album, Another City, Another Sorry, sorti en 2009 et très bien accueilli par la critique, les Mancuniens de The Answering Machine, attendus au tournant, ont préféré ne pas se presser pour mûrir leur deuxième effort afin d'offrir un son qui, selon eux, reflète totalement ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent.
Pour ce jeune groupe formé en 2005, tout est toujours allé très vite : premier single en 2006 et premier concert à Glastonbury à peine un an plus tard. Après la déferlante des dernières années, ils ont enfin pris le temps de souffler, de se concentrer sur ce qu'ils désiraient réellement livrer au public; à lire leur blog, ils semblent totalement satisfaits de Lifeline, mais qu'en est-il en réalité ?

Tout comme son prédécesseur, cet album s'inscrit dans la plus pure tradition pop shoegaze venue d'Angleterre. Le quatuor assume son goût pour la simplicité et la spontanéité, dans une ère où ces deux termes semblent avoir disparu du jargon musical.
Contrairement au côté un peu dramatique et oppressant de la pochette avec cette jeune femme attachée, la musique se veut fraîche. On constate que les anglais ont exploré beaucoup plus de directions que précédemment : les titres sont généralement construits autour du chant et de la guitare au-dessus desquels les autres instruments viennent se greffer. On sent également un certain développement artistique depuis Another City, Another Sorry : les mélodies sont plus soignées, livrées de façon moins frontales et en utilisant beaucoup plus d'instruments pour étoffer leur son.

Cet album a été conçu et enregistré dans leur local de répétition de Manchester; soucieux de retranscrire un certain état d'esprit témoin des changements subis dans leurs vies personnelles et de leur évolution musicale, c'est Martin Colclough, le chanteur, qui a décidé de produire Lifeline afin de coller au mieux aux aspirations du quatuor. Il en ressort un condensé de fraîcheur et de bonne humeur, des refrains accrocheurs (Animals) et des mélodies gentillettes. My Little Army, titre d'ouverture, résume l'atmosphère de l'album : une belle progression nous permet de passer de la petite sucrette pop à une chanson plus enlevée, terminant sur une touche de douceur au glockenspiel.
Animals, premier single, fait figure de proue; dès la première écoute, on se surprend à chantonner. Les quelques touches de synthé, les backing vocals aériens et le mélange de guitare acoustique et électrique en font un moment fort de l'album.
Néanmoins, un point noir dans l'approche de The Answering Machine est à relever : comme ils se plaisent à le mentionner, on constate que la « recherche de [leur] style » semble avoir été l'élément prépondérant de ces nouvelles compositions, comme une recherche du Saint Graal sans qu'il ne s'impose à eux. Une volonté à l'encontre de leur démarche spontanée révélant un parcours probablement non abouti jusqu'à maintenant.

Bien qu'agréable et rafraîchissant, Lifeline manque d'originalité. Le chant est souvent situé dans les mêmes tonalités, les mêmes modulations; les mêmes backing vocals aériens viennent envahir les ponts. On a parfois l'impression que les quatre comparses tiennent une recette miracle fonctionnant à tous les coups, à base de refrain accrocheur supporté par un synthé entraînant et un gimmick percutant.
Seulement voilà, le mélange n'est pas suffisant et l'ennui pointe le bout de son nez. Heureusement, The End (titre de clôture, comme son nom l'indique) est là pour nous faire changer d'avis; c'est Gemma, la bassiste, qui est au chant et pour la première fois, on s'éloigne de la pop pour se retrouver dans un univers plus inquiétant. Sur une batterie déstructurée, des chœurs chuchotés et une partie parlée avant l'entame du refrain, ce morceau sort du lot et laisse présager encore bien des changements pour la jeune formation.