Kill It Kid

Sortez santiags, bandanas et falzars moulants, car Kill It Kid reviennent mettre une louche de whisky dans nos vins : si le violoniste Richard Jones a quitté la partie en fin d’année dernière, le groupe mené par Chris Turpin (guitare, harmonica, chant) et Stephanie Ward (piano, chant) n’en a pas pour autant dit son dernier mot. C’est armé de son amour immodéré pour le blues que le quartet anglais s’engouffre sur un chemin autrement plus rugueux que celui emprunté lors de ses débuts, et sur lequel Black Sabbath et autres Jim Jones Revue ont eux-aussi posé leurs pieds.
Deux ans après un premier album éponyme, les anglais passent donc la seconde, et nous gratifient d’un flot de compositions aussi chaudes et incandescentes que les flammes qui ont accompagné les London’s riots (ndlr : de nombreuses copies de Feet Fall Heavy ont été réduites en cendres durant l’incendie d’un entrepôt Sony, à Enfield).

Dans ce disque jamais glauque, quoique poisseux comme le bayou, l’euphorie trouve sa source en de multiples points, et s'il est toujours un régal que d’entendre un être hurler, une guitare crisser ou un clavier gémir, Feet Fall Heavy séduit aussi dans ses moments d’accalmie. Certes, ce n’est pas sur des morceaux comme Sweet Nothings, balade country un brin légère, que l’auditeur s’attardera le plus, mais c’est peu dire que les voix de Turpin et Ward sont capables de bien des miracles. Tour à tour emplies de rage et bourrées de sensualité, ces dernières se croisent, se recroisent, parfois se séparent, et ce quels que soient les tempos retenus ou les ingrédients utilisés (du gospel dans Home, une touche d’heavy-metal dans un Heart Rested With You au final dantesque).

Rondement produit par Leo Abrahams, qui a récemment planché avec Jon Hopkins sur le Small Craft On A Milk Sea de Brian Eno, Feet Fall Heavy reste un album pop avant tout, et Kill It Kid ont su résister, avec brio, aux charmes de l’expérimentation et des solos interminables. Parti-pris gagnant : jamais retors, toujours immédiat, le disque ne marquera pas l’histoire de la musique ; en revanche, et c’est peut-être mieux comme ça, il a ce qu’il faut dans la bedaine pour maintenir l’intérêt de bout en bout.
Ainsi, passés les géniaux exutoires que sont Don’t Pray On Me, You’re In My Blood (un titre fleurant bon le garage rock), ou encore Sweetness Has An Hold On, on se prend tiquer sur d’autres morceaux encore, parmi lesquels Wild And Wasted Waters, et Run ; doté d’une belle mélodie folk, le premier distrait là où le second hypnotise. Rouge sang, ce dernier revêt les traits d’un furieux chant protestataire, de ceux qu’auraient pu chanter toutes celles et ceux victimes de la traite des Noirs qui sévit aux Etats-Unis entre les 18ème et 19ème siècles. Prenant.

Avec Feet Fall Heavy , Kill It Kid passent le cap du second album avec maturité et intelligence. Forcément, on attend la suite et leur prochain passage en France. Oh yeah !