Belleruche

Que nous disent les nouvelles productions ? A force de les consommer, en avons-nous encore le goût ? Pour beaucoup, ce n’est que lorsque surgit un effet de surprise, une sortie des cadres prédéfinis que notre écoute peut s’émoustiller. Il y a, enfin, quelque chose à entendre. Elargir le champ, en décentrer l’écoute, oser l’inconnu ou brouiller les habitudes : ces horizons musicaux ont toujours été ceux de Belleruche, musiciens de cœur s’il en est.

« Toujours plus sombre, plus dense, plus fou », sous cette formule aux allures de slogans se cache ce trio londonien. A rebours des dogmes dominants, personne d’autres ne fait autorité sur la soul futuriste en Angleterre comme ces éternels du mouvement. Et même si la cigale Alabama Shakes a chanté et enchanté ces dernières semaines le monde indé, aujourd’hui, avec leur souffle nouveau, ce sont bien les Belleruche qui seront les fourmis de la fable.

Dès l’ouverture avec Stormbird, organique et renversante, les boys de la girl Kathrin deBoer affichent aussi bien leurs intentions électriques que leur groove cold. Pour le coup, on est loin du style diamantaire et soul de Selah Sue et compagnie : ici, tout est crade, énigmatique et tranchant. Comme s’ils souhaitaient à tout prix éviter une industrie de plus en plus gourmande et de plus en plus gigantesque. Une leçon de style (et de vie) que l’on ressent parfaitement sur Wasted Time, hommage évident à Portishead où rythme langoureux, trip-hop et nu-jazz s’amusent ensemble sans jamais faire de l’ombre à l’un ou à l’autre. Difficile de faire plus ambitieux comme entrée en matière.
Quant à la possibilité d’entrevoir un peu de lumière, mieux vaut ne pas même l'envisager. Rollerchain ne fera pas les beaux jours du printemps. Une coquetterie ? A priori, non. Après trois albums aux confluents de la soul et du hip-hop, Belleruche emprunte désormais des chemins plus ténébreux, sombres et pesants. D’une noirceur impressionnante derrière cette grande démonstration de style, Rollerchain, œuvre introspective et hantée, montre la facette fragile et méconnue du trio. C’est ainsi qu’on les préfère.

Si le revival soul de ces dernières années vous saoule, écoutez plutôt Belleruche. Rollerchain, n’est pas le plus accessible de leurs albums, mais c’est certainement le plus facile à aimer.