And So I Watch You From Afar

Le départ de Tony Wright à l’été 2011 ne semble pas avoir décontenancé les Irlandais d'And So I Watch You From Afar. Après la sortie de leur pétillant Gangs, il y a près de deux ans, c’est aujourd’hui avec All Hail Bright Futures qu’ils reviennent pour nous remettre une bonne dose de leur rock mathisant, spontané et énergique dans les veines.

Pour les adorateurs de post-rock contemplatif, And So I Watch You From Afar sont probablement l’incarnation d’une longue et désolante déroute ; pour les autres, l’aventure des Irlandais est plutôt le symbole de découvertes insatiables. Le groupe ose, toujours et encore, de nouvelles choses et avec ce troisième album, ils sont allés puiser leurs influences un peu partout sur la planète pour un résultat aussi surprenant que palpitant.
Tout commence dès l’entame et son doublet Big Thinks Do Remarkable/Like A Mouse : au rythme des sons caribéens, les guitares grincent et la batterie claque dans un carnaval symphonique où la technicité, bien que discrète, reste tout de même palpable à tout moment. Un finale époustouflant sur le second titre où d’ailleurs, eux qui passent leur temps à ironiser sur le fait que leur musique est instrumentale car ils ne savent pas chanter, s’essaient aux paroles ; ce ne sont que des gimmicks, répétés ad lib. tels que « The sun is in our eyes » mais l’émulsion est telle qu’à ce stade de All Hail Bright Futures, on se sent déjà revigorés.

La cohésion entre les titres est totale et ces derniers se déroulent comme des séquences naturellement imbriquées. Le chant s’invite sur quasiment toutes les pistes, ce qui constitue l’une des grandes nouveautés de cet album. Si on trouve beaucoup de la frivolité d’un math-rock dansant à la Battles (notamment grâce aux percussions créoles), And So I Watch You From Afar n’en oublient pas pour autant une lourdeur digne de Pelican (Ambulance) et jonglent entre les deux avec une aisance et un naturel déconcertants. On ressent que les Irlandais ont pris du plaisir à enregistrer cette douzaine de morceaux et même s'ils semblent partir dans tous les sens, ce n’est jamais vraiment le cas.
Des cuivres de fanfare de The Stay Golden aux chants d’oiseaux de Rats On Rock, le groupe ne cesse de nous étonner. On passe du point A au point B sans même s’en rendre compte et pourtant, début et fin n’ont strictement rien à voir. Dans un album profondément gai, inventif et à l’optimisme tranchant avec la grisaille ambiante, And So I Watch You From Afar repoussent les limites d’un style trop souvent calibré en incorporant des éléments farfelus venus d’ailleurs. Certains moments, à l’image de Mend And Make Safe, restent cependant plus classiques mais tout en gardant cette pointe d’audace.

Avec All Hail Bright Futures, And So I Watch You From Afar ne se contentent pas d’écrire quelques nouvelles pistes mais les font évoluer, les articulent et créent ainsi une histoire qui fait que cet album, si addictif, ne peut que s’écouter de bout en bout. L’apport vocal augmente considérablement le côté fédérateur du projet et on imagine déjà le potentiel live de ces nouveautés.