Splashh

Je mets quiconque au défi en écoutant les sept premières secondes de Headspins de ne pas se dire « Tiens, le nouveau Pixies est donc sorti ! ». Cette basse ronronnante et cette batterie froide ont de quoi tromper, pourtant, non, cela n'a rien à voir avec la marmelade puisqu'il s'agit juste du premier méfait des anglais Splashh. Les quatre membres du groupe se sont rencontrés dans le quartier d'Hackney dans l'est londonien. Pour autant, ils n'y sont pas nés puisque deux d'entre viennent de Nouvelle-Zélande, un autre d'Australie et le quatrième d'Angleterre.

A y regarder de plus près, il a l'air d'exister un lien entre Splashh et Tame Impala, et pas seulement à cause du pays d'où certains sont issus : regardez bien la pochette de Comfort et celle de Innerspeaker... Ne remarquez-vous pas cette même façon de retravailler les images, de jouer sur la saturation, de nous faire croire que nous la regardons comme si nous avions ingurgité des psychotropes ? Cette sensation est tout à fait normale puisque la personne qui a réalisé les deux couvertures est australienne et se nomme Leif Podhajsky. Maintenant, en poussant encore plus loin le bouchon, on peut voir une ressemblance, tonalité des couleurs exceptée, entre cette photo et l'un des célèbres tableaux de David Hockney, « A Bigger Splash ». Là, tout s'éclaire, et l'on devine tout de suite comment nos jeunes amis ont pu choisir leur nom. Mais je m'égare, je ne suis pas là pour disserter sur l'analogie entre une éclaboussure et la dénomination d'un groupe anglais alors, revenons-en à ce qui nous intéresse avant tout ici, la musique.

Avec Splashh, les choses vont vite. Les dix titres de l'album sont enchainés en à peine plus de trente minutes. Sasha Carlson a une voix légèrement éraillée qui laisse, par instants, transparaître un rien de mélancolie comme sur All I Wanna Do. Le titre qui les rapproche le plus de Tame Impala est, à n'en pas douter Feels Like You avec ses synthés en introduction qui apportent la petite touche psychédélique qui va bien. Les guitares réverbent à s'en renverser la cervelle et la frontière entre shoegaze et surf garage est souvent franchie, au point qu'on ne sait plus trop dans quelle catégorie les ranger. Leur musique fuzze, chantonne, miaule, susurre, crie, elle est multiple et ne tient pas en place. Ces jeunes gredins ont réussi là un bien joli coup en nous replongeant dans le meilleur de l'indie rock du milieu des 80s. S'ils s'en inspirent, c'est certain, n'allez pas croire qu'ils ne font que plagier leurs aînés.

Les paroles sont plutôt courtes et répétitives mais cela n'empêche les morceaux d'être des tubes en puissance. Que cela soit le nerveux So Young ou le plus baladeur Lemonade, le groupe est parvenu à nous faire prendre des constructions élaborées pour des titres immédiats, que l'on peut s'approprier rapidement. Et à y écouter de plus près, la simplicité n'est pas vraiment de mise. Les sons s'enchevêtrent, les rythmes changent, se cassent, ralentissent, la linéarité n'est pas au rendez-vous. On comprend mieux qu'ils aiment citer la formation de l'américain Bradford Cox, Deerhunter, comme l'une de leur principales inspirations. S'il ne fallait en retenir un seul, l'ensorceleur Vacation qui démarre sur de faux airs de surf pop avant de plonger dans le shoegaze puis d'être atteint de psychédélisme avec l'arrivée du synthé, résumerait bien à lui tout seul, tout ce que la musique de Splashh peut être.

Si vous cherchez l'album idéal pré-déprime, qui marque la fin de l'été et le début de l'automne, précipitez-vous dessus, les feuilles ne sont pas encore tombées, il est encore temps. Si je vous dis qu'en plus, sur scène, ils sont loin d'être mauvais, vous n'avez alors plus qu'à guetter leur éventuel passage près de chez vous.