logo SOV

Gary Numan

Splinter (Songs From A Broken Mind)

Gary Numan - Splinter (Songs From A Broken Mind)
Chronique Album
Date de sortie : 14.10.2013
Label : Mortal Records
25
Rédigé par Olivier Kalousdian, le 12 novembre 2013
Bookmark and Share
Artiste intimiste, en dehors de cercles d'initiés de la musique électro gothique (prémices de la musique industrielle) des années quatre-vingt, Gary Numan n'en reste pas moins un des inventeurs du genre et un maître de la musique la plus réfrigérée de l'after-punk.

Cyborg des claviers et des machines synthétiques avant l'heure, Gary Numan est souvent cité en référence et en co-inventeur des mouvements cold et new wave. Dès 1978 et surtout en 1979, avec son groupe Tubular Army, il sidère le mouvement punk, déjà à l'agonie, en portant à des températures proches du zéro absolu des notes qui ne sont plus foutues en l'air et vaguement plaquées sur des guitares désaccordées et saturées, mais jouées avec des synthétiseurs dont les sonorités précises ont été triturées suivant l'exemple des maîtres incontestés du genre depuis 1972, les Allemands de Kraftwerk. Il innove et propose aux punks une nouvelle voix dont le mouvement s'emparera dans sa période post-punk pour inventer la new wave et la musique industrielle. Avec des titres imparables comme Are Friends Electric et ses sonorités que Kubrick n'aurait pas reniées pour son Space Odissey au démarrage de sa carrière solo en 1979, ou Cars et sa mythique rythmique en coups de fouets jusqu'au I Die You Die posant les bases de ce qu'allaient être les années strass et paillettes de poudres multicolores des années 80, Gary Numan fera la légende et le succès du label Beggars Banquet.
Ce stakhanoviste de la musique dont la longévité égale sa productivité – quasiment un album par an depuis 1978 ! – ne semble ni fatigué ni usé par l'âge, le travail ou les accueils en demi-teinte de certains de ses quelques 45 disques au compteur, dont la moitié de live.

Sorti le 14 octobre dernier, Splinter (Songs From A Broken Mind) est un album dur comme le béton armé et lourd comme un radiateur en fonte. Ressuscitant parfois la capacité sonore des feus Tubeway Army, notamment sur le titre Love Hurt Bleed et explorant les champs des possibles sur des guitares panzer également très appréciées chez les artistes Indus outre Rhin, Gary Numan rappelle ici qu'il est à la fois un des piliers et l'arlésienne d'un genre musical dont beaucoup ont fait commerce après lui et notamment ses cousins teutons avec Rammstein ou Einstürzende Neubauten.
Tel un professeur Frankenstein chuchotant et susurrant les mystères de la vie à sa créature (Here In The Black), Gary Numan délaisse les recettes qui ont fait de ses titres des standards d'une époque pour combler un vide artistique qui – après tant d'albums, cela semble difficile à croire – le titillait encore.
S'il manque à cet album le titre qui accroche l'âme et l'esprit, on ne peut reprocher à Splinter (Songs From A Broken Mind) de jouer la facilité et à son auteur de se reposer sur ses lauriers. N'a-t-il pas, en 2010, accepté de reprendre en duo son éternel Are Friends Electrics avec la jeune et alors peu connue Little Boots au micro de la BBC ? Légende de l'ombre, l'importance de cet artiste dans la sphère musicale anglaise est en rapport avec la discrétion du personnage qui, en dehors d'un public très qualifié, reste surtout reconnu comme une icône des années 80.

L'artwork et la richesse du travail autour du disque ou du vinyle sont de belle facture et démontrent l'application de Gary Numan et sa production dans chaque galette qu'il choisit de délivrer, année après année... Gary Numan pose dans un style néo Victorien du haut de ses cinquante-cinq ans et de son haut de forme qui ne semble en aucun cas prendre le pas sur son désir de bousculer les habitudes et les attentes de ses fans premiers.
Fans de la première heure à la recherche des sonorités synthétiques aiguës, fines et glaciales, passez votre chemin. Le nouveau Gary Anthony James Webb (l'homonymie avec le prochain plus puissant télescope spatial lui va à ravir) fait dans le BTP, version gros œuvre ! Voguant entre la ligne de cordes de Nine Inch Nails et les percussions électroniques toxiques de l'album Ultra de Depeche Mode, l'atmosphère de Splinter (Songs From A Broken Mind) est pesante et chargée de particules de CO², parfois au-delà de la limite acceptable. Légèrement étouffant et sans espoir (il ne ressort aucun titre phare permettant d'imaginer tirer le reste de l'album vers le haut), Gary Numan reste un artiste honnête qui offre une musique qu'il a toujours voulue sincère même dans ses disques les plus obscurs.

Mais dans une époque où, et cela est bien dommage, la profusion de groupes évoluant dans des catégories stylistiques qui s'entrechoquent souvent ne donne plus le courage ou l'envie de réécouter un disque qui mériterait sûrement un temps de machine supplémentaire et une étude plus approfondie de son modèle schématique, les inconditionnels y trouveront sans aucun doute leur compte. My Last Day qui clôture le tracklisting figure d'ailleurs parmi les titres les plus mélancoliques du disque, laissant enfin de coté les sons bruts et pesants des titres précédents pour une ligne de piano qui en ces lieux paraît suave, comme pour rappeler à l'auditeur que Gary Numan est encore un compositeur multi-facettes qui sait exactement ce qu'il fait et que ses derniers jours sont loin d'être arrivés.
tracklisting
    01. I Am Dust
  • 02. Here In The Black
  • 03. Everything Comes Down To This
  • 04. The Calling
  • 05. Splinter
  • 06. Lost
  • 07. Love Hurt Bleed
  • 08. A Shadow Falls On Me
  • 09. Where I Can Never Be
  • 10. We're The Unforgiven
  • 11. Who Are You
  • 12. My Last Day
titres conseillés
    Here In The Black, I Am Dust, Love Hurt Bleed
notes des lecteurs
Du même artiste