Chronique Album
Date de sortie : 03.02.2014
Label : Believe Rec
Rédigé par
Julien Soullière, le 28 janvier 2014
Ils n'ont pas de chapeaux ronds, et pourtant, depuis le lancement réussi de la navette Other People's Problems, on n'en peut plus de les célébrer. Partis quelques mois pour mieux nous revenir avec un nouvel album sous le bras, Breton n'ont pas eu la tâche facile : exit leur QG historique et de cœur, le Lab, squat londonien miteux finalement terrassé par la main de l'homme moderne, les quatre musiciens ont dû prendre la route pour mieux poser leur valise sur le sol défait et poussiéreux du lieu-dit Funkhaus, studio de radio laissé à l'abandon dans l'une des zones les moins engageantes de la capitale allemande. Lieu mort mais pourtant remplie de vie(s), bout de béton saugrenu, au charme et caractère cinématographique indéniables, l'inspirant tas de pierre n'a pas eu de mal à séduire un groupe tout aussi ambivalent que lui, et en manque de repères depuis son exode forcé. War Room Stories y sera enregistré durant l'été 2013, et ce pour le plus grand bonheur de ses géniteurs.
Ecouter Breton, c'est adopter une vision kaléidoscopique de la musique. Chez eux, les styles s'observent, se croisent, se chevauchent, mais jamais ne se neutralisent. Nappes synthétiques, samples hip-hop et du boucan environnant (sirènes de police, bruits d'insectes...), guitares rock, lyrisme cinématographique, tout ou presque est d'actualité dans War Room Stories, mais ici comme sur Other People's Problems, jamais la cohérence de l'ensemble n'est mise à mal. Bien que sur-influencé, le groupe est aujourd'hui plus que jamais porteur d'un son qui lui est propre, et, toutes proportions gardées bien sûr, on aime à dire que Breton sont à la musique indépendante britannique ce que Tarantino est au cinéma américain contemporain : des amoureux maladifs qui toujours honorent et jamais ne singent.
Férus d'expérimentations, nos petits chimistes ont eu, une fois n'est pas coutume, tout le mal du monde à se contenir. Pour autant, Breton sont du genre pacifique, et si c'est d'une révolution qu'il s'agit ici, elle ne se complait pas dans les cris et le sang : la transition s'effectue ainsi en douceur, et prime au premier entrant oblige, le sortilège se veut moins puissant que celui qui envouta la foule à l'époque d'Other People's Problems. Reste que les anglais sont toujours aussi inspirés, et les frontières de leur empire de bitume s'étendent un peu plus encore.
D'entrée de jeu d'ailleurs, le groupe surprend en dégainant un titre plus festif qu'à l'accoutumée (Envy), chaud au point de prendre de belles couleurs caribéennes durant les refrains, et dont le côté dansant ne sera pas sans rappeler celui d'un Got Well Soon définitivement taillé pour les clubs. Alors si certains morceaux, diablement efficaces au demeurant, ne sont pas sans reproduire à l'identique le schéma qui engendra les temps forts du premier album (comment, par exemple, ne pas penser à Edward The Confessor à l'écoute du belliqueux Legs & Arms ?), les moments qui sur War Room Stories parviennent à nous bouter un temps hors de notre zone de confort ne manquent pas, à l'instar de Brothers, pièce d'humeur ambient qui se la joue néanmoins disco-funk en fin de parcours, et de Closed Category, qui ne pouvait pas mieux illustrer un second album plus orchestré que son prédécesseur (les cordes sont régulièrement à l'honneur), plus cérébral également.
Une chose est sûre à ce stade, le plaisir demeure, et rien ne semble à même d'entacher le capital sympathie engrangé par Breton ces dernières années. Appliqués autant que généreux, Rappak et sa bande sont les pourvoyeurs d'une musique accessible et qualitative, la preuve faite groupe qu'il est possible de divertir son monde sans chercher à le flouer. Franchement, respect.