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The Ramona Flowers

Dismantle And Rebuild

The Ramona Flowers - Dismantle And Rebuild
Chronique Album
Date de sortie : 14.07.2014
Label : Distiller Records
4
Rédigé par Hugues Saby, le 18 juillet 2014
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Le moins que l'on puisse dire, c'est que les Ramona Flowers ont de l'ambition. À la manière d'un Muse totalement inconnu à la sortie de son premier album Showbiz, le groupe de Bristol voit grand, très grand pour son coup d'essai.

Tokyo, morceau ouvrant Dismantle And Rebuild, donne le ton d'emblée. Du gros son, fait pour les grands espaces. Ce mélange explosif d'électro et de pop, passé à la moulinette d'une production surpuissante, fonctionne à merveille. Les compresseurs sont au taquet, à tel point que certains arrangements se démarquent par l'agressivité, la tension qui se logent dans le moindre interstice sonore, prenant l'auditeur à la gorge. Et en même temps, le soin minutieux apporté aux voix, le mix gorgé d'échos et de réverbération, donnent une impression immense de liberté. Oui, cette musique est faite pour les stades, pour les festivals, et même plus. Vers l'infini et au-delà, dirait Buzz l'éclair.

Dans ce voyage intersidéral, les Ramona Flowers nous emmènent pied au plancher, et ne nous lâcheront pas avant d'avoir atteint une constellation à la mesure de leur musique. À peine a-t-on le temps de se familiariser avec ce son vertigineux que les Ramona Flowers enfoncent le clou. Brighter, deuxième plage de l'opus, est tout simplement impressionnante. Le refrain explose tel une supernova en surcharge. Là aussi, on oscille en permanence entre de vastes étendues sonores et une pression sous-jacente, insidieuse, presque malsaine. Ce mince équilibre entre déflagrations cosmiques et sinuosité mélodique prend aux tripes et est véritablement addictif. Dismantle And Rebuild, le troisième titre, illustre à merveille la formule élaborée par le groupe. Un refrain tortueux, torturé, susurré par une sorte de Thom Yorke sous oxygène qui l'air de rien nous conduit droit dans le mur du son, avec un refrain qu'on dirait sorti tout droit d'un disque de Friendly Fires, tant l'impression d'évasion, de latitude, est forte. Ce disque agrandit votre salon et vous transporte ailleurs, l'espace, les cieux ou les sommets, bref, là où l'on respire mieux.

Tout au long de l'écoute, les influences électro-pop déjà citées sont présentes : Radiohead pour les arrangements célestes et les falsettos élégiaques, Friendly Fires pour la touche électro-festive phénoménalement produite, mais aussi Foals pour des arrangements pop d'une finesse et d'une intelligence rares. Car ce premier album des Ramona Flowers est aussi bien un disque de pop qu'un disque électronique. À vrai dire, c'est un parfait équilibre entre les deux. Avantage : le groupe tisse une toile immédiatement reconnaissable et absolument redoutable. Inconvénient : on a parfois le sentiment que ce disque est trop intellectuel, trop pensé. C'est souvent le cas dans ce que les Anglais appellent l'« arena music », aka la musique taillée pour les stades.
Ainsi, c'est parfois un peu lassant. Trop de son tue le son, en quelque sorte. Car comme l'air pur de la mer et de la montagne, celui que l'on respire à pleins poumons sur Dismantle And Rebuild est épuisant à la longue. C'est tellement bien fait, calculé au millimètre, que ça en devient un peu froid. Vous voyez les décors de « 2001 : l'odyssée de l'espace » ? Voilà, c'est exactement ça. C'est beau, moderne, et en même temps, c'est aseptisé, sans âme. On ne peut pas tout à fait dire ça de la musique des Ramona Flowers, car à chaque morceau, une trouvaille géniale vient saupoudrer d'inventivité leur mécanique bien huilée. Ce sont parfois des instruments bien analogiques (une ligne de basse sur Modern World, une guitare sèche sur So Many Colors), parfois des gadgets synthétiques (un vocodeur rêveur sur Skeleton Key, un clavier interlope –presque bossa !- sur Friend Of The Madness). Souvent, ça fonctionne à la perfection : c'est agréable et plutôt cohérent, et on pense à des groupes comme Air ou The Beta Band. Parfois, c'est moins réussi, notamment sur Vultures, l'ovni du disque, sorte d'hybride détestable entre U2 et Scorpions.

Mise à part cette faute de goût majeure, Dismantle And Rebuild est un excellent disque, qui affiche clairement ses auteurs comme des prétendants sérieux au titre de plus gros groupe britannique de la scène électro-pop, dans la lignée de Disclosure, Aluna George, Jungle, London Grammar et autres CHVRCHES. Et qui confirme, une fois de plus et comme s'il en était besoin, le potentiel créatif démentiel de nos voisins d'outre-Manche. « Hugeness may be imminent », disait récemment « The Guardian » à leur propos. Reste à voir si le succès du groupe confirmera ou non cette prophétie. Mais peu importe au fond : la musique des Ramona Flowers, elle, est déjà gigantesque.
tracklisting
    01. Tokyo
  • 02. Brighter
  • 03. Dismantle And Rebuild
  • 04. Lust And Lies
  • 05. World Won't Wait
  • 06. Modern World
  • 07. Skeleton Key
  • 08. Vultures
  • 09. Friend Of The Madness
  • 10. So Many Colours
  • 11. Like A Feather (feat. Lou Rhodes)
titres conseillés
    Tokyo - Brighter - Dismantle And Rebuild
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