Les quatre artistes mancuniennes à l'imagerie horrifique sont de retour pour Halloween avec leur deuxième album intitulé en toute légèreté FEVEREATEN (en majuscules, au cas où ce ne serait pas assez doux), qui présage un son enragé et sans détour, dont Witch Fever sont adeptes. Et ce n'est pas le morceau d'ouverture, DEAD TO ME! qui a nous va faire dire le contraire. Avec une telle intro doom punk au riff bien dans la lignée de Congregation, un schéma montée en tension-cris de rage et d'angoisse d'Amy Walpole, on se dit que c'est reparti pour un deuxième tour de manège désenchanté. Pourtant, le groupe a eu une approche différente sur ce deuxième disque produit par Chris W. Ryan, qui s'est auparavant occupé d'artistes ayant le vent en poupe actuellement comme NewDad, Just Mustard et Enola Gay. Vous voyez où je veux en venir ?
Cette fois-ci, Witch Fever avaient préparé la structure des morceaux avant de rentrer en studio, alors que pour l'écriture du premier album, tout n'était pas prêt à leur entrée dans celui-ci, où la composition des morceaux continuait à prendre forme à ce moment-là. Bien loin d'être une contrainte, cela leur a permis d'expérimenter et d'étendre leur son ainsi que de s'ouvrir à davantage de genres encore. C'est le cas par exemple du deuxième single sorti, The Garden, emmené par la basse, un chant plus doux mais inquiétant, ainsi qu'un riff alt-rock avec un passage suspendu par un solo de guitare doux et brut à la fois. Un morceau planant qui flirte avec l'emo ainsi qu'avec une esthétique gothique dans le son et l'image. Ne vous fiez donc pas aux deux morceaux du début, DEAD TO ME! et FINAL GIRL, assez courts dans la continuité de leur prédécesseur, servant de transition. Si le début de NORTHSTAR nous laisse penser que c'est reparti pour une avalanche de hurlements, ce qui peut lasser surtout immédiatement après le titre progressif précédent, nous retrouvons ensuite un son planant, avec des pointes de shoegaze, des moments qui respirent, emmenés par la basse qui décidément s'émancipe sur cet album, là où auparavant elle suivait la guitare.
DRANK THE SAP, par son intro, semble être un morceau de rock indé progressif. Il respire... jusqu'à s'étouffer à nouveau dans des cris, qui retombent dans un aspect presque groovy avec sa guitare et sa batterie plutôt (brièvement) subtiles. C'est une chanson caméléon qui fusionne une sorte de punk hardcore métallique avec des moments plus calmes, sans progression, comme si deux morceaux avaient été découpés à la dague et forcés à être cousus ensemble. Le sommet de ce disque, c'est SAFE, qui marque la moitié de l'album avec un morceau déroulé sur cinq minutes, s'achevant par quelques notes de piano et de violoncelle qui réchauffent au milieu d'une instrumentation habituellement assez froide et angoissante. Si cela indique le chemin que Witch Fever va prendre dans le futur, alors c'est de bonne augure.
Pour le moment, il semble que FEVEREATEN soit un album de transition, qui tente des choses sans totalement vouloir se détacher de son passé. C'est aussi le cas des thèmes abordés : Amy Walpole nous parle toujours de la période traumatisante de sa vie à l'Eglise, période où elle grandissait et se construisait. Si elle en est sortie et n'est aujourd'hui plus croyante, elle se sent toujours observée. C'est cette idée d'une forme de paranoïa fiévreuse qui consume, de traumas, qui a donné son titre à l'album et au morceau éponyme, une chanson où la tension se construit peu à peu, qui se laisse de l'espace, mettant en valeur le violoncelle, et c'est ainsi que leur musique est certainement la plus efficace.
On appréciera également dans ce même style REPRISE, morceau à haut potentiel de headbang avec ce drop magistral qui doit sacrément envoyer en concert, tandis que le titre post-rock AMBER nous montre tout comme SAFE la voie vers un Witch Fever plus doux et vulnérable. Plus que jamais, le groupe explore des territoires inhabituels, sans totalement se départir de ses vieilles habitudes et de son imagerie empreinte de sang et de références bibliques, dénonçant le patriarcat, qui ronge toute la société donc également l'Eglise. Avec Alex Thomson qui mène la danse avec sa basse sur plusieurs morceaux, et la présence d'un violoncelle tout au long de l'album, Witch Fever sont en train de muter, plus hybrides que jamais.
L'album est semblable à une recherche de son, avec de superbes morceaux mêlant esthétique gothique, doom punk et même shoegaze, mais ne convainc pas totalement, encore trop enfermé sur certains morceaux dans un carcan hardcore qui se mange lui-même.