Marika Hackman

Il aura donc fallu attendre trois ans après la sortie de son premier 45 tours, You Come Down, pour enfin avoir la chance de pouvoir écouter le premier véritable opus de Marika Hackman; That Iron Taste n'étant qu'un mini-album. Toutefois, de par le contenu de We Slept At Last, il est bien difficile d'éprouver des regrets pour avoir patienté si longuement, bien au contraire d'ailleurs.

En effet la jeune anglaise réussit le périlleux exercice de captiver l'auditeur avec un disque pour le moins surprenant. Si par le passé elle s'était illustrée avec quelques pépites aux accents folk, la belle prend tout le monde à contrepied avec douze chansons basées pour la plupart sur l'expérimentation sonore et flirtant avec un univers particulièrement sombre. Car ce qui frappe avant tout à l'écoute de We Slept At Last, c'est ce son sale et suintant, contrastant à merveille avec la voix cristalline et douce de la britannique.
Si Animal Fear navigue dans un moment de célébration chamanique où les esprits des ancêtres viennent prendre un malin plaisir à se promener, Undone, Undress nous assomme à l'aide de sa batterie lourde et étouffante. Ce disque pourrait probablement trouver sa place dans un film de David Lynch, si celui-ci continuait à faire du cinéma. Néanmoins, plus on avance dans l'écoute de We Slept At Last et plus on se sent à l'aise avec les compositions de la musicienne, non pas parce que les chansons se font plus douces mais parce qu'on se laisse envahir par cette énergie si particulière.

La londonienne ne renie toutefois pas son passé à tendance plus acoustique. Elle s'avère d'ailleurs particulièrement inspirée sur les sublimement mélancoliques Claude's Girl et Skin, renouant par la même occasion avec ce que l'on croyait attendre de ce disque avant même de l'avoir écouté. Mais c'est pourtant bien Open Wide et ses sonorités cold wave qui retiennent par-dessus tout notre attention. Ce morceau intelligent et éclairé démontre le talent fou de l'anglaise. C'est d'ailleurs lorsque les compositions sont jouées en groupe que le disque devient vraiment passionnant. Car dans ces moments moins intimistes (en l'occurrence sur la plupart des morceaux de l'album) la jeune artiste se dépasse et affiche une maturité presque insolente, surtout qu'elle n'a que vingt-deux ans.

Marika Hackman réussit donc haut la main le difficile exercice de convaincre pleinement avec son premier album qui n'aurait pu être qu'une simple suite de ses précédentes sorties discographiques. Avec We Slept At Last, elle nous entraine au cœur de ses rêves musicaux et nous ensorcelle de sa voix sublime. Avec ce disque, elle s'affiche déjà comme une prétendante aux toutes premières marches des grands disques de l'année 2015.