RHODES

Je tâte hâtivement les poches de mon chino, espérant discerner dans l'une d'elles les contours du briquet subtilisé en boite la veille. Flûte, rien. Ni ici, ni là. Sans réfléchir, je bondis de ma chaise, ne me rendant compte qu'une fois la main posée sur son bras que la collègue vers qui je viens de bondir fume plus que la somme de mes autres camarades travailleurs. Tu me prêtes ton feu ? Cool. Ouais, à toute. Ça y est, c'est bon. Je remets mon casque, me coupe du grand et beau monde pour m'en aller vers une version lénifiante de celui-ci. Je m'envole vers le Wishes de RHODES. Et un briquet, c'est bien là tout ce qu'il me fallait.



Car, cette musique-là, elle a pour ambition de vous agripper le cœur, de vous harponner le bide, de vous retourner le cerveau, tout ça pour que l'eau en vienne à vous troubler la pupille. « L'album est taillé pour les ondes FM » : c'est désormais une ritournelle, un non-argument suffisamment repris par la presse pour que l'on comprenne ce que cela veut dire. Enfin, plus ou moins.
Il y a une voix cristalline, qui n'hésite pas à s'aventurer très haut, à assumer sa sensualité, un piano qui pleure, des morceaux construits comme des bâtiments suisses (c'est solide, mais sans folie), des thèmes revus et corrigés, des refrains comme autant de catharsis après des couplets passés à se lamenter. Certains trouveront ça beau, chatoyant, verraient bien Let It All Go ou Turning Back Around clôturer l'épisode douze ou vingt-huit de leur série préférée, moi je dis que tout ceci est certes parfaitement huilé, mais aussi qu'on pourrait jouer au jeu des sept erreurs tant les titres proposés ici se ressemblent tous. Et qu'éventuellement, on pourrait trouver ça mignon si l'exercice ne durait pas tout un album. Déjà qu'une fois celui-ci écouté, on ne sait plus reconnaître aucun des morceaux parmi les douze proposés, alors vous pensez bien que sur la version Deluxe qui en compte dix-huit...



La même recette, utilisée encore et toujours, voilà ce que propose un Wishes qui la joue petit-bras, qui se complaît dans une facilité au doux parfum de désagréable, qui jamais ne se met en danger. Dans le genre « je vais faire chialer mon monde », tout ceci restera donc moins fin que du Tom McRae (c'est dire) ou du Damien Rice (au hasard), mais sera toujours plus comestible que du Coldplay (facile). Et puis, on peut quand même réussir à s'accorder sur deux points. D'une, David Rhodes a eu le bon goût de nous éviter des sonorités dance qu'on se serait empresser de vomir, nous le rendant d'emblée plus sympathique que d'autres squatteurs d'ondes radio. Merci pour nos estomacs. De deux, il faut bien reconnaître le talent de ces satanés Anglais pour nous pondre des rouleaux compresseurs de la pop.

Franchement, si RHODES ne devient pas le nouveau chouchou de nos voisins d'Outre-Manche, je n'y comprendrai pas grand-chose. Je veux dire, il aura tout fait, y compris inviter Birdy le temps d'un duo. Nan, croyez-moi, tout est en place. Allez, roulez jeunesse.