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Paul McCartney

Egypt Station

Paul McCartney - Egypt Station
Chronique Album
Date de sortie : 07.09.2018
Label : Capitol
5
Rédigé par Yann Guillo, le 7 septembre 2018
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Voici qu'arrive un nouveau Paul McCartney. En bon fidèle, on court à la messe. En s'attendant, à vrai dire, à peu de choses. Deux ou trois chansons de bonne facture déjà, peut-être. A 76 ans, pensez-vous...

Alors, sortons d'emblée le pachyderme de la pièce. Le temps semble avoir suspendu son cours le temps de ces seize titres. Que le bonhomme soit encore capable de donner des concerts de trois heures et des tournées de deux ans dépasse déjà l'entendement. Qu'il soit capable de prodiguer de la joie, la même que celle qu'il distille depuis plus de cinquante ans via sa musique, est un miracle. Mais alors qu'il soit capable de sortir un album du calibre de cet Egypte Station, c'est les mystères des Pyramides du Caïre, du Sphynx, des lignes de Nazca, de Stonehenge. Car, osons le dire, McCartney vient de publier un chef d'œuvre absolu. Un pinacle dans une des discographies les plus riches de l'histoire de la pop music.

Pour cet album, Paul McCartney a eu la bonne idée de faire appel à l'alchimiste Greg Kurstin, déjà responsable de l'excellente résurrection de Liam Gallagher. Gloire lui soit rendu car, contrairement à Giles Martin sur le précédent New, Kurstin n'essaie jamais de faire sonner McCartney moderne. Tout ici sent le travail appliqué de l'artisan méticuleux cherchant à se rapprocher des merveilles du grand maître, dans un respect et un amour absolu de son œuvre.

Car ce qui frappe d'emblée quand on entame le fabuleux voyage de Egypt Station, c'est la qualité du son de cet album. On n'avait pas entendu Paul McCartney dans un si bel écrin sonore depuis le fabuleux Chaos And Creation In The Backyard ou même Flaming Pie, deux sommets tardifs de la discographie solo de l'ancien Beatles. Mais Egypt Station, et on peine à le croire en rédigeant ces lignes, les surpasse de la tête et des épaules.

Les deux précédents albums, les honorables New et Memory Almost Full, contenaient quelques pépites éparpillées au milieu de titres moins réussis (New, Queenie Eye, Only Mama Knows, My Ever Present Past...), laissant penser que les grandes heures du petit gars de Liverpool étaient peut-être du passé. Les singles Fuh You et Come On To Me (les deux titres les plus faibles de l'album) ne rassuraient pas complètement. Mais que le doute soit levé, c'est ici à un festin royal que McCartney nous invite. Amuse-gueules, entrée froide, entrée chaude, viande, poisson, fromage, dessert et café gourmand.

Egypt Station brille par son ambition. Paul McCartney enchaîne les medleys complexes et arrangements en millefeuille comme à la grande époque des Wings et des Beatles. Le tout avec un sens de la mélodie inégalé et retrouvé. On ne sait plus où donner de la tête. Attaquons donc, une fois n'est pas coutume, par le dessert et les deux morceaux de bravoure qui concluent l'album sur un point d'orgue.
Despite Repeated Warnings est une chanson à tiroirs, façon Band On The Run, où s'entrechoquent clavecin, guitare glam, violons, cuivres... Une odyssée incroyable en forme d'opéra de poche sur la catastrophe climatique. S'ensuit Hunt You Down/Naked/C-Link, qui démarre sur les chapeaux de roue, comme un Live And Let Die de 2018, avant de se transformer en une envolée instrumentale planante et orientalisante.

Le reste de l'album est à l'avenant, une Masterclass en songwriting. Do It Now, ce sont les Beach Boys de Smile qui jamment avec les Beatles. Happy With You vient de cette formidable veine acoustique typiquement McCartneysienne, déjà responsable des insurpassables Blackbird, Put It There ou Jenny Wren, mêlée à une inspiration Led Zeppelienne faisant décoller le titre vers le firmament. Hand In Hand est une magnifique ballade à la suite d'accords sophistiquée et mélancolique, sublimée par une flute celtique et un quatuor à cordes. Dominoes est une irrésistible pop song midtempo beatlesienne. La beauté fragile de la mélodie du single I Don't Know brille encore davantage dans le contexte de l'album.

Ailleurs, c'est l'excentricité de Paul McCartney qui prend les commandes pour des titres expérimentaux. Back In Brasil, d'abord, aux accents world et au groove génial. Caesar Rock ensuite, qui sonne comme un extrait de McCartney II avec le son d'Abbey Road et même du funk princier ! Miracle : même les passages visant à soutirer la participation œcuménique du public, d'ordinaire un peu pénibles, sont ici parfaitement inspirés, comme sur People Want Peace.

Paul McCartney se permet tout. Il aurait tort de se priver. Résultat : Egypt Station est un kaléidoscope musical fascinant. Ce qui nous laisse face à un cas rarissime, peut être sans précédent, d'une inspiration tardive d'un artiste parvenant à retrouver la grâce de ses meilleures années. Restera un album magique, hors du commun, que l'on réécoutera dans vingt ans avec le même plaisir et la même fascination pour le génie et la poésie de cet éternel optimiste. Une ode à la créativité et à la liberté emportée par une énergie positive et généreuse.

La quintessence de McCartney.
tracklisting
    01. Opening Station
  • 02. I Don't Know
  • 03. Come On To Me
  • 04. Happy With You
  • 05. Who Cares
  • 06. Fuh You
  • 07. Confidante
  • 08. People Want Peace
  • 09. Hand In Hand
  • 10. Dominoes
  • 11. Back In Brazil
  • 12. Do It Now
  • 13. Caesar Rock
  • 14. Despite Repeated Warnings
  • 15. Station II
  • 16. Hunt You Down/Naked/C-Link
titres conseillés
    Despite Repeated Warnings, Dominoes, Hand In Hand
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