logo SOV

Rustin Man

Clockdust

Rustin Man - Clockdust
Chronique Album
Date de sortie : 20.03.2020
Label : Domino Records
45
Rédigé par Bertrand Corbaton, le 20 mars 2020
Bookmark and Share
Il y a tout juste un an, Rustin Man, Paul Webb de son vrai nom, nous livrait le magnifique Drift Code. C'est seulement quelques mois plus tard que l'ancien bassiste de Talk Talk remet le couvert avec un nouvel album. L'artiste voulait-il nous présenter une collection de faces-b, ou de matériel non utilisé sur l'album précédent ? En vérité, ces nouvelles compositions sont des morceaux créés lors des sessions qui ont donné naissance à Drift Code. On comprend mieux dès lors pourquoi les deux productions sont à ce point consubstantielles.

Pourtant, Paul Webb ne se contente pas d'une simple redite, et la façon de penser ce nouvel effort diffère tout de même de son prédécesseur. Si on retrouve les même sonorités, et ce mélange subtil entre des touches électroniques et sonorités organiques, Clockdust s'envisage plus comme une bande sonore d'un film de Terry Gillian ou David Lynch. Tout comme Drift Code, Clockdust est un voyage, et l'écoute des différentes pièces fait penser à une déambulation dans les recoins sombres et alambiqués d'une ville imaginaire.

Ici, Paul Webb ne se pose pas de limite. On trouve des morceaux d'apparence assez classiques telle la balade aux airs de berceuse Gold And Tinsel, ou Love Turns You On mais aussi des exercices totalement hallucinés à l'image du sombre Night In The Evening. Cette pièce baigne sept minutes durant dans une atmosphère étrange jusqu'à partir dans des volutes sonores fait de sons d'orgues et de cette basse lourde et prégnante. La fin du morceau est un ensemble d'échos et de réverbérations qui finissent de nous plonger dans un monde totalement onirique. Il ne faut pas lutter, il faut se laisser happer. On retrouve aussi cette voix qui évoque irrémédiablement le David Bowie de Blackstar. Certes, Paul Webb ne possède pas la technique vocale du Thin White Duke, mais le mimétisme de la tessiture de la voix est parfois troublant.

Souvent, Rustin Man joue sur un équilibre fragile tant les mélodies semblent lutter pour tenir debout. Pourtant tout s'enchaîne parfaitement, comme sur le morceau d'ouverture Carousel Days. D'entrée les bases fantasmagoriques sont posées et s'installent en fil conducteur de l'album. Les titres d'apparences plus évidents n'empruntent jamais les voies de la facilité. L'intelligence créatrice de Paul Webb parvient à enrober un thème simple d'une multitude de richesses sonores. À cet égard le jazz futuriste de Jackie's Room est un modèle, et jamais l'auditeur n'est abandonné à un air de déjà vu.

Clockdust ne laisse aucune de ses compositions se faire enfermer dans une case. L'artiste se plaît à vous amener sur des pistes que vous pensiez familière, mais où on finit par se perdre pour découvrir des horizons surprenants. Ainsi, la balade mélancolique Old Flamingo, d'apparence simple au début, s'avère être un petit univers jazzy foisonnant, raffiné, qui vous plonge dans un monde nocturne fabuleux et fragile. La remarque tient aussi pour Kinky Living, et ses cuivres hispanisants qui donnent au refrain un air enivrant.
Le final de l'œuvre, Man With A Remedy est un autre moment fort de l'album. Moins vaporeux, plus direct, il semble émaner d'un vieux film policier. Pourtant, l'amalgame entre les sons vieillots et des nappes plus modernes apportent un rendu intemporel du meilleur effet, comme sur l'ensemble de l'album.

Clockdust n'est ni un album pop, ni un album jazz, ou électro, il est tout ça à la fois, et en même temps tout autre chose. Tout s'imbrique parfaitement et aucune de ces tendances ne prend la place de l'autre. Il en ressort une œuvre onirique urbaine, précieuse et novatrice. À l'instar de l'année précédente, Rustin Man fait preuve d'une précision créatrice chirurgicale et d'une liberté salvatrice. Merci à lui pour ce voyage magnifique.
tracklisting
    01. Carousel Days
  • 02. Gold & Tinsel
  • 03. Jackie's Room
  • 04. Love Turns Her On
  • 05. Rubicon Song
  • 06. Old Flamingo
  • 07. Kinky Living
  • 08. Night In Evening City
  • 09. Man With A Remedy
titres conseillés
    Old Flamingo, Jackie's Room, Man With A Remedy
notes des lecteurs
Du même artiste