Lost Horizons

Après la fin des Cocteau Twins en 1997, Simon Raymonde ne s'est pas vraiment mis à la retraite. Il a lancé Bella Union, un label au catalogue impressionnant (Beach House, BC Camplight, Penelope Isles, Midlake, Ezra Furman...). En 2017 il reprend la route des studios pour enregistrer le premier album de Lost Horizons avec Richard Thomas, saxophoniste et batteur de Dif Juz, un autre groupe de l'écurie 4AD des années 80s.

Ce qui pouvait passer pour une aventure sans lendemain est au final un vrai groupe qui sort un deuxième album passionnant, à la parfaite jonction des deux carrières musicales de Simon Raymonde. Le double disque compte autant d'invités que de chansons, et c'est une belle occasion de découvrir de nouveaux ou très anciens talents. Ural Thomas, doyen du disque, est une voix légendaire de la soul qui a chanté avec Otis Redding, James Brown et Stevie Wonder et dont les paroles ont donné son titre à In Quiet Moments.

Parmi les nouveaux venus, l'irlandaise Gemma Dunleavy dont la voix entre inspiration celtique et orientale rappelle celle de Lisa Gerrard, moitié de Dead Can Dance, un autre pilier de 4AD. Il y a aussi la suédoise Kavi Kwai qui chante comme Liz Fraser sur un morceau jouant la carte Cocteau Twins jusqu'au son de guitare. Marie, portée par la voix de Marissa Nadler, n'aurait également pas dépareillé sur l'album Treasure. Une ressemblance assumée par Simon Raymonde qui dit faire de la musique depuis trop longtemps pour oublier ses influences.

Entre les talents confirmés et les nouveaux, il y a aussi les étoiles montantes comme Porridge Radio qui, fort d'un deuxième album encensé par la critique (dont Sound Of Violence) affirment leur style et s'approprient One For Regret, n'ajoutant qu'une légère touche de raffinement de Lost Horizons à des guitares sifflantes.

L'album suit des règles claires, et en patron de label, Simon Raymonde sait choisir les musiciens qui l'entourent. Le duo a d'abord composé les instrumentaux sur base d'improvisations et les ont envoyées aux invités en leur donnant le thème : la mort et la renaissance, des êtres aimés et des idéaux à un moment où beaucoup des artistes qui nous ont inspirés sont morts et où la planète est prête à suivre. Le duo a aussi précisé que le plus important était d'être soit même et d'y prendre du plaisir.
L'ambiance n'est donc pas à la fête, mais la part improvisée des instrumentaux apporte une touche jazzy sur fond de batteries légères et de guitares éthérées. Les chanteuses et chanteurs participants ayant des timbres de voix feutrés ou plutôt dans les aigus, l'ensemble est aérien et l'équilibre entre diversité des voix et unicité du thème parfaitement réalisé.

In Quiet Moments est sorti en deux fois, la première partie en format numérique en décembre 2020, à laquelle s'ajoute la seconde en ce mois de février 2021 pour la sortie en format physique. La bonne nouvelle est que le duo au carnet d'adresse bien rempli ne compte pas s'arrêter là et parle déjà d'un nouvel album qui sortirait de la zone de calme forcée pour explorer la rébellion. Un nouvel horizon qui, s'il est exploré avec autant de talent, sera explosif.