Martin Gore

Ceux d'entre vous qui connaissent et suivent assidûment Depeche Mode n'auront pas été très surpris d'apprendre qu'un album de remixes allait faire suite à The Third Chimpanzee, dernier LP de Martin Gore, tant les quatre de Basildon sont habitués à faire retravailler leurs morceaux par des artistes divers, producteur ou DJ.
Dans ce type de projet, vous avez deux grandes tendances qui se dégagent. Soit s'imprégner de la sève, de l'essence, pour repenser le morceau dans sa structure mais en prenant soin d'en conserver l'esprit. Soit prendre le parti d'utiliser chaque piste, chaque élément pour raconter une tout autre histoire.

Ces deux grandes lignes se retrouvent dans The Third Chimpanzee Remixed de Martin Gore. Pour exemple, Vervet bénéficie d'un total ravalement de façade sur les deux remixes que compte l'album. Si Chris Liebing reprend quelques sonorités, son travail s'éloigne tout le même de l'esprit d'origine et le fondateur du label CLR propose un titre techno somme toute assez banal. Jako Jako a pris le parti de mettre plus en avant les sons utilisés par Martin Gore mais le déroulé sur le beat techno et les libertés prises auront tendance à rebuter. Les deux remix de Vervet ne sont au final pas très heureux.

Jlin a elle aussi décidé de totalement démembrer Capuchin et de s'aventurer sur des chemins sans aucun rapport avec le morceau d'origine. Mais à trop vouloir en faire, le risque de se perdre est grand et c'est ici exactement ce qu'il se passe. C'est une chose de vouloir se réapproprier une histoire, la changer, mais ce que nous raconte Jlin a beau être amusant, on n'y comprend pas grand-chose et on passe malheureusement à côté du sujet.
Sur le même morceau, le DJ brésilien Wehbba opte pour une rythmique techno beaucoup plus banale. Cependant il préfère ne pas s'éloigner de la signature sonore du titre d'origine, à tel point que si le tout n'est pas réellement transcendant l'auditeur ne se trouve pas totalement perdu.

À ce point, il convient de se rendre à l'évidence. Les meilleurs remixes se trouvent sur Howler et Mandrill, soit les deux morceaux marquants de The Third Chimpanzee. Ainsi le travail de ANNA sur Howler reste très proche de la version originale. Le titre d'ouverture de cet album est légèrement accéléré. Ici, la DJ a mis de côté la rythmique saccadée pour présenter un ensemble beaucoup plus fluide et au final plus dense, en mettant en avant le thème principal. C'est vraiment du beau boulot, où ressort efficacement la puissance de la mélodie. En restant très proche de l'original, Howler ne pouvait recevoir meilleur traitement.
Sur The Exaltics remix, Robert Witschakowski a fait le choix de ménager la mélodie du thème. Il tente tout de même des incartades, tout en renforçant l'ambiance étrange qui caractérise le travail de Martin Gore. Là aussi c'est une réussite, tout comme le magnifique travail du Français Kandging Ray. Ce grand fan de Depeche Mode opte pour une rythmique big beat. Certes, l'artiste prend beaucoup de liberté, mais il se dégage vraiment quelque chose de dense et d'efficace.

Le très sombre et indus Mandrill bénéficie lui aussi d'un excellent traitement de la part de ses remixeurs. Ligne directrice du morceau de Martin Gore, l'ambiance lourde et pesante est brillamment mise en avant sur le Barker remix. Mais si on perçoit quelques touches new wave, elles disparaissent totalement sur les bidouillages de Rrose qui, conformément à son habitude, présente peut-être la pièce la plus sombre de l'album. Rythmique saccadée, sonorités drone ambiant, Rose ne s'est pas trop embarrassée des jalons posés sur l'original. Pourtant, le remix est véritablement une réussite tant il vous emporte dans ses méandres cauchemardesques. Enfin, le travail de MoReVox est sensiblement dans la même veine, mais reste sur des bases beaucoup plus accessible pour un résultat tout a fait convaincant et intéressant.

Visiblement, Martin Gore est enchanté du travail effectué sur The Third Chimpanzee Remixed. Pas de raisons de penser que le membre de Depeche Mode mente, ce dernier ne s'était pas privé pour critiquer les remixes d'Underworld notamment, à l'époque d'Ultra. Ce qui est sûr c'est que The Third Chimpanzee se prête totalement au jeu du remix tant les structures des morceaux sont riches. Pour le reste, à vous de vous faire votre idée, car l'exercice peut diviser, mais il serait tout de même dommage de passer à côté de ces nouvelles moutures de Mandrill et Howler.