The Lathums

Comme la vie peut être belle : Cette affirmation, qui donne avec beaucoup d'à-propos son titre au premier album du quatuor de Wigan, ne peut mieux résumer le déboulé de ces jeunes Anglais dans le barnum actuel de la britpop. Vite révélés dans les pubs du Grand Manchester où un EP de quatre titres est distribué par leurs soins, avec gravure maison s'il vous plaît, les Lathums sont vite ingurgités par Island Records (U2, Robyn, Disclosure...), fameux label d'Universal Music, à la veille de la pandémie mondiale de 2020. La poule aux œufs d'or trouvée, et dans un contexte de crise sanitaire sans précédent, il s‘en suit la parution d'un nombre non-négligeable d'EPs et singles, et d'un merchandising aussi riche qu'onéreux pour renflouer les caisses et faire monter l'attente autour de ce groupe considéré comme l'une des plus belles promesses de la scène rock britannique. Des sorties qui nous ont poussé nous aussi à croire en ce groupe à la curiosité incontestable et la remise en question perpétuelle pour leur jeune âge. Mais Alex Moore et sa bande peuvent-ils nous rendre la vie vraiment plus belle ?

Autant dire qu'on avait toutes les raisons de se méfier. Alors, qu'en est-il ? Eh bien, la surprise est qu'il n'y en a pas car ce qui devait arriver arriva. Le diamant brut qui ne demandait qu'à être façonné a littéralement été ébréché. Avec ses textes accessibles et son appétence pour la mélodie, la nouvelle sensation rock se révèle un bon sujet de sa Majesté. La monarchie peut dormir tranquille, car si l'on tient là du travail appliqué, aucune révolution n'est à déclarer. How Beautiful Life Can Be est un très bon disque pop, mais à des années-lumières du chef d'œuvre que l'on pouvait s'attendre de ces prodiges.

« Je veux conquérir le monde. Vraiment c'est le but. », avait pourtant confié Alex Moore il y a plusieurs mois, et on y croyait. Seulement les compositions les plus intéressantes et ambitieuses (Villainous Victorian, Foolish Parley) de la discographie du groupe ont été sacrifiées au nom de l'homogénéité un brin trop lisse de ce premier album. Même les plus grands moments de bravoure, et principaux faits d'arme du groupe (Fight On, The Great Escape, I Know That Much ou encore Artificial Screens) ont été ré-enregistrés pour rentrer dans le moule. La spontanéité et les aspérités ont été dénaturées par une production aussi smooth qu'ennuyante. Imaginez une seule seconde une version différente de I Bet You Look Good On The Dancefloor sur Whatever People Say I Am, That's What I'm Not (premier album des Arctic Monkeys sortie en 2006), une hérésie !

Difficile dans ce contexte-là d'apprécier à sa juste valeur ce premier effort d'Alex Moore et sa bande. On sera tout de même heureux de retrouver All My Life, une des plus belles balades du groupe, inchangée (un miracle), ainsi que I See Your Ghost, seule rescapée des titres qui avaient le mérite d'aller explorer des zones moins policées. Parmi les quelques rares chansons qui n'étaient pas déjà connues du public, on saluera I'll Get By et son univers très (voire trop) The Coral-esque, James Skelly à la production oblige, ainsi que la chanson de clôture The Redemption of Sonic Beauty, qui a le mérite d'aller prendre aux tripes alors que tout s'arrêtait jusque là en surface.

Alors que l'Angleterre, via sa presse musicale, nous fait connaître à chaque génération une panoplie d'artistes talentueux, nous servant ainsi régulièrement « the next big thing », avec plus ou moins de succès selon les années, la relève ne sera toujours pas assurée par ces jeunes Anglais. S'il sera à juste titre très apprécié des newscomers et très certainement intronisé numéro 1 dans les charts à sa sortie - la maison de disques ayant proposé plusieurs drops d'albums limités en pré-commande, mais passons - il est impossible que How Beautiful Life Can Be soit apprécié par les puristes sans faire abstraction de ce glorieux passé. Porté aux nues tardivement, tous ces mois de travail n'auront pas donné vie à au chef d'œuvre attendu. L'album aurait pu effectivement nous rendre la vie (très) belle si le groupe n'avait pas perdu en cours de route ce qui faisait sa singularité : son âme. Peut-être en la vendant au diable ?