Self Esteem

Prioritise Pleasure, nouvel album de Self Esteem, c'est un peu comme un Journal de Bridget Jones 4.0, récit des pérégrinations d'une jeune femme dans notre monde post-moderne et de ses combats. Le tout porté par des hymnes art-pop de très haut calibre.

Audacieux, ambitieux, iconoclaste, féministe : Prioritise Pleasure est tout ceci à la fois. Rebecca Lucy Taylor, la géniale musicienne derrière cet alias (qui annonce à lui seul l'autodérision qui caractérise ses textes), livre une aventure musicale singulière, brute, drôle, qui interpelle. Sur des pistes minimalistes donnant la part belle aux rythmiques et aux arrangements à rebondissements, sa voix agile délivre son message avec conviction et force, soutenue par des chœurs quasi-gospel puissants et omniprésents.

Loin de l'image sage qu'elle pouvait avoir à ses débuts avec Slow Club, Self Esteem livre une partition totalement débridée, à la fois expérimentale et brillante, parsemée de mélodies en or. Son approche musicale est ultra moderne mais, fait raire, ne sacrifie rien à la profondeur émotionnelle et à l'exigence musicale. On pense parfois à des artistes comme Santigold ou Sia, mais difficile de réduire Self Esteem à toute comparaison.

L'album déborde de réussites ultra catchy aux rebonds inattendus : Fucking Wizardry, Prioritise Pleasure, Hobbies 2, It's Been A While, Moody... Parmi les moments les plus forts de l'album, I'm Fine qui ouvre les hostilités sur un beat sur-saturé, se poursuit sur une discussion entre filles sur les techniques de défense face à des hommes trop pressants et se termine sur des nappes de violons toutes en tension. Difficile aussi de ne pas mentionner ce qui est un des sommets de l'album, I Do This All The Time, sur laquelle Self Esteem déclame le monologue intérieur plein de questionnements existentiels d'une jeune femme hédoniste et angoissée sur le point de se rendre à une fête d'anniversaire où elle se confrontera à ses démons. Enrobée de cordes, la ballade Still Reigning est splendide, juste avant que la sauvage et psyché How Can I Help You, toute en distorsion et reverse talking, harangue l'auditeur de ses « I don't know shit ».

Self Esteem confirme sur ce deuxième album toutes les belles promesses entendues sur son excellent premier album, Compliment Please. Mais elle poursuit aussi bien plus loin son exploration de la pop angulaire et s'impose ce faisant comme la bande son des aspérités de notre monde en transition. Un grand disque.