caroline

L'histoire de caroline paraîtra somme toute banale : une rencontre à l'université à Manchester, une passion commune pour la musique qui entraînera un déménagement à Londres ; même si la musique faisait déjà partie de leur vie, c'est à ce moment qu'ils font le pari de se donner les moyens de leurs ambitions. Le groupe, alors trio, commence à répéter à l'étage d'un pub miteux du sud de Londres, où le parquet en ruine offre une vue imprenable sur le bar. Rapidement, le riff de ce qui deviendra Dark Blue émerge de leurs sessions et c'est autour de lui que se structureront caroline : ils recrutent un violoniste pour ajouter une profondeur à ce riff hypnotique, puis un trompettiste, un percussionniste, un clarinettiste... et de trio, le groupe deviendra octuor fin 2019. Aujourd'hui, ce premier album auto-produit, nous raconte le premier chapitre d'une histoire envoûtante.

Si, de prime abord, caroline ressemblent à de nombreux groupes de post-rock (beaucoup de membres, d'instruments et un foisonnement d'idées), la comparaison avec les grands frères, qu'il s'agisse de Black Country, New Road ou de Godspeed You! Black Emperor, s'arrête bien rapidement.
caroline ont en effet une approche bien personnelle de leur musique et nous nous en rendons compte dès Dark Blue qui ouvre l'album ; un riff de guitare pour sa genèse, puis se joignent à lui toute la richesse instrumentale du groupe, lentement, tandis qu'une voix spectrale scande ce « I want it all, so I tell them I want it all ». On sent toutefois sur ce début d'album une certaine retenue, qui ne demande qu'à être relâchée au moment opportun.

Car oui, la patience est un mot d'ordre pour cet album et elle permet de savourer pleinement et à sa juste valeur chaque moment, chaque note, chaque silence... silence dont il joue d'ailleurs beaucoup, à l'image de Good Morning (red), titre ultra mélodique, d'une beauté fragile, que l'on aurait envie d'écouter jusqu'à plus soif. Il laisse le temps au silence de prendre sa place, de se lover, pour ensuite encore plus mettre en lumière les instruments qui viennent le briser. Jamais le chant ne surpasse un autre instrument et c'est probablement dans cette mesure que réside la beauté de ce titre.
Une autre recette miracle qui fait le succès de cet album est sans conteste l'usage de boucles répétitives mais aussi évolutives (Skydiving Onto The Library Roof) qui permettent aux morceaux de s'extraire subtilement et de laisser toute la place à chacun des instruments.

caroline réussissent à proposer un post-rock teinté de folk, où l'immédiatement se confronte à une construction parfois moins spontanée pour l'auditeur. Des moments forts, il n'y en a pas qu'un seul : Engine (eavesdropping), où le chant n'est pas sans rappeler Animal Collective (et leur manière si singulière de l'appréhender) et sa montée en puissance, sa cacophonie apparente ou encore Natural Death qui vient nous happer pendant près de neuf minutes.

Pour caroline, la méticulosité employée à trouver le juste timing pour introduire chaque instrument est étonnante : chaque note, chaque silence même, est pensé et rien n'est laissé au hasard, même si nous pouvons parfois avoir l'impression d'une folle improvisation live. Les interludes participent à cette construction et permettent tantôt de digérer un morceau exaltant, tantôt de l'introduire.
Lors du confinement en mars 2020, ils n'avaient alors joué que trois fois en live mais il n'en a pas fallu plus pour que Rough Trade Records tombent sous leur charme et les signent... Bonne pioche !