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caroline

Paris, Petit Bain - 15 septembre 2025

Live-report par Franck Narquin

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30 mai 2025. Sur l'autoroute saturée des sorties hebdomadaires, on commençait à piquer du nez. Rien ne surprenait plus, rien ne perçait le voile de la lassitude. Et soudain, un appel de phare, caroline 2. Huit morceaux en suspension et un souffle collectif pour un disque qui rouvrait l'horizon. Depuis, il n'a pas quitté nos platines. Mais un doute planait, comment transposer cette œuvre d'orfèvre sur scène, sans la réduire à l'ombre d'elle-même ? Ce soir, à Petit Bain, l'attente est fiévreuse, excitation et crainte, le cœur battant. 15 septembre 2025, 23 heures passées. On a vu, on a entendu. Et l'histoire peut commencer.

Nina Garcia ouvre la soirée. Toute de noir vêtue et Stratocaster en main, elle ne joue pas, elle attaque, elle triture, elle retourne l'instrument contre lui-même. Microphones, poings, objets métalliques, sa guitare est un champ de bataille. Entre improvisation et noise, elle livre un set rugueux et minimaliste, étrange et beau comme une blessure. A la manière de Mica Levi et Thurston Moore, elle appartient à cette tradition d'artistes qui font vaciller la frontière entre musique et geste performatif. Un prélude radical, presque dérangeant, qui oblige à réapprendre à écouter.


Puis ils arrivent, huit silhouettes alignées en arc de cercle. Pas de leader, pas de posture, pas d'artifice. Un collectif à l'état pur. La salle est comble, mais le silence s'installe aussitôt, Song two puis When I get home et déjà l'air se charge d'une tension nouvelle. Les cordes s'entrelacent, les voix se fondent, la matière vibre. Le temps ralentit, comme suspendu. Puis l'onde monte, U R UR ONLY ACHING, avec son autotune spectral, fragile et bouleversant. Ici, l'outil numérique ne gomme rien, il accentue la vulnérabilité, il humanise. Et soudain l'embrasement, Two Riders Down, torrent de cordes, dissonances éclatantes et batterie déchaînée. On pense au Velvet Underground et à Black Country, New Road, à ces moments où la musique se fait éruption. On tangue, on chavire et Dark blue arrive comme une accalmie, une respiration nécessaire. Mais déjà, l'incantation reprend grâce à Tell Me I Never Knew That et son refrain scandé par une foule qui se laisse happer.


Les deux apothéoses de la soirée suivent, Coldplay cover et Total euphoria. Le premier, conçu comme une énigme de studio, devient rituel scénique, deux groupes jouant chacun leur morceau, deux rivières sonores qui s'affrontent puis fusionnent dans un moment suspendu. On croit assister à une déconstruction en temps réel, à une mise en abyme de la composition. Le second, final grandiose, porte bien son nom, Total Euphoria déclenche une déflagration lumineuse et collective qui arrache la salle entière à la pesanteur. Ovation debout.

Ce soir, caroline n'ont pas seulement confirmé la force de leur disque. Ils l'ont transcendé. Ils ont prouvé que la pop et le rock peuvent encore se réinventer, sans chef ni héros, par la puissance du collectif. Dans un monde saturé de cynisme et d'habitudes, ils offrent la preuve que la foi peut renaître, que le feu peut reprendre. Un grand album. Un grand concert. Un très grand groupe.
setlist
    Song two
    When I get home
    U R UR ONLY ACHING
    Two riders down
    Dark blue
    Tell me I never knew that
    Beautiful ending
    Coldplay cover
    Good morning (red)
    Total euphoria
photos du concert
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