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Placebo

Never Let Me Go

Placebo - Never Let Me Go
Chronique Album
Date de sortie : 25.03.2022
Label : Elevator Lady Ltd
35
Rédigé par Bertrand Corbaton, le 22 mars 2022
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La sortie d'un nouvel album de Placebo fait forcément parler. Passons d'emblée sur ceux pour qui cet événement va passer totalement inaperçu, ou n'aura aucun effet notable. En revanche, on entend déjà poindre les sarcasmes des personnes qui considèrent Placebo comme un vulgaire groupe dépassé pour midinettes ou faux rebelles écorchés vifs pré-pubères.

Cessez immédiatement vos sarcasmes, car pour les autres, il aura fallu attendre neuf longues années depuis Loud Like Love et avoir enfin ce nouvel album. Certes, la tournée pour les vingt ans du groupe est passée par là, mais les fans commençaient à trouver le temps long malgré des b-sides et autres performances acoustiques. Ajoutez à cela la période de crise sanitaire que vous connaissez, et ce Never Let Me Go, prêt depuis 2020 a donc définitivement tardé à se révéler.
Visiblement, cela a permis à Brian Molko de peaufiner, de se concentrer sur les derniers détails de ce huitième album. Désormais en duo depuis le départ du batteur Steve Forrest en place depuis 2008, Brian Molko et Stefan Olfdal livrent enfin à leurs fans le matériel qui a commencé à se bâtir lors de la tournée de 2016.

Sans surprise, ce nouvel album ne devrait pas effacer le clivage entre les adorateurs de Brian Molko et ceux d'entre vous qui ne peuvent supporter la musique de Placebo. Never Let Me Go ne vous fera pas apprécier beaucoup plus le travail du groupe tant les mêmes recettes s'appliquent à l'infini. Les arrangements électro pouvant s'apparenter à une nouvelle direction musicale comme sur Chemtrails ou Sad White Reggae ne tromperont personne. Ils ne peuvent réellement être appréhendés comme une réelle évolution même si l'envie de se réinventer est sincère.
De plus, malgré son souci de renouvellement, Brian Molko reste prisonnier d'une voix si singulière et d'une touche personnelle dans ses compositions qui font que rien ne ressemble plus à une chanson de Placebo qu'une autre chanson de Placebo. Ces derniers s'essaieraient à la country que le problème se verrait inchangé. Pourtant, parfois le duo se donne du mal pour sortir des sentiers battus, comme sur Surrounded By Spies, où Molko tente une approche qui fait irrémédiablement penser aux travaux du groupe Archive. La démarche est notable et l'essai plutôt convaincant, malgré le manque d'originalité du résultat.

Au demeurant, était-il vraiment nécessaire de s'embourber dans cette direction tant une majorité des sonorités utilisées sont d'un autre temps. À l'image de ce Never Let Me Go, morceau d'introduction qui ne parvient pas à faire illusion, dramatiquement ancrée qu'il est dans une période passée et révolue. Même si le titre est engageant, il évoque au final le Niestche des Dandy Warhols le talent en moins et la production un peu lourde en plus. Tant que nous en sommes aux comparaisons, le jeu et la guitare sur le très grave Fix Yourself vous évoqueront à n'en pas douter le son rond de la Jazzmaster de Robert Smith sur les albums Disintegration ou Wish.

Les thèmes de prédilection n'ont pas vraiment changé eux non plus. Brian Molko est aujourd'hui ce bientôt quinquagénaire qui nous ressert depuis plusieurs décennies ses troubles d'adolescent torturé entouré d'amis en proie aux addictions diverses. Ainsi l'artiste est un peu ce vieil ami du lycée qui ne grandit pas quand vous avez en face de vous des problématiques autres que celles d'une mauvaise note à votre dernier examen de philosophie. Mais que voulez-vous, vous n'êtes pas un artiste. Voyez-y le bon côté des choses, Placebo est peut-être ce groupe qui parlera à votre progéniture quand le pauvre parent que vous êtes sera totalement à côté de la plaque. À ce titre on se serait largement passé de l'impudique Happy Birthday In The Sky qui coche à peu près toutes les cases de ce que Placebo peut avoir d'agaçant, accumulant les grosses ficelles et les clichés.

Tout cela pourrait être totalement indigent. Pourtant vous feriez bien de mettre de côté votre mauvais esprit pour réellement apprécier ce que Never Let Me Go a à vous offrir. Car depuis ses débuts, Brian Molko est touchant par sa naïveté et son honnêteté. Au demeurant, un titre comme Twin Demons a en lui une force de persuasion à vous emporter pour de bon et vous secouer dans tous les sens. Car au-delà des griefs que vous pourrez porter à Placebo, son leader porte en lui une flamme qui semble ne jamais s'éteindre, et qui lui permet de souvent trouver la suite d'accords qui vont vous frapper en plein cœur. Sur Beautiful James, cette mélodie au clavier qui pourrait vite devenir agaçante tombe au final à pic pour porter un ensemble tout à fait cohérent. Vous pourriez aussi être chamboulés par Went Missing et par le mélancolique This Is What You Wanted, à condition d'être en mesure d'accepter sans sourciller la débauche émotionnelle que d'aucuns trouveront too much.
En définitive, c'est lorsque Brian Molko laisse tomber ses oripeaux suintant de pathos et s'essaie à la lumière qu'il est peut-être le plus convaincant dans sa démarche. Ainsi, l'excellent The Prodigal prouve qu'il n'est pas nécessaire de faire dans le larmoyant perpétuel pour toucher son monde. Ces arrangements de cordes un peu tirés par les cheveux mis à part, Placebo nous livrent ici un morceau réellement brillant, à la mélodie à la fois simple et riche. Malheureusement, ce titre passera pourtant peut-être inaperçu au profit de compositions plus conformes à l'attente des fans.

Placebo est donc ce groupe singulier, capable de vous capter par des compositions souvent accrocheuses, mais aussi vous donner envie de vous taper la tête contre les murs quand ils vous ressortent ces vieux poncifs éculés au spleen parfois ridicule. Pourtant, que vous le vouliez ou non, c'est aussi cela qui a participé à faire du groupe ce qu'il est aujourd'hui, à se construire et à s'assurer une fanbase solide malgré une certaine désaffection après l'immense Without You I'm Nothing. Cela vous ne pouvez le balayer d'un revers de main, et faire fi de l'importance de ce groupe pour une époque. Les temps sont certainement plus difficiles aujourd'hui, et le groupe est sûrement dans un décalage fatal avec des formations plus jeunes plus, ancrées dans leur époque. Mais c'est encore une fois peut-être ce décalage qui nourrit le groupe et fait encore avancer Brian Molko, cet éternel adolescent.
tracklisting
    01. NEVER LET ME GO
  • 02. BEAUTIFUL JAMES
  • 03. HAPPY BIRTHDAY IN THE SKY
  • 04. THE PRODIGAL
  • 05. SURROUNDED BY SPIES
  • 06. TRY BETTER NEXT TIME
  • 07. SAD WHITE REGGAE
  • 08. TWIN DEMONS
  • 09. CHEMTRAILS
  • 10. THIS IS WHAT YOU WANTED
  • 11. WENT MISSING
  • 12. FIX YOURSELF
titres conseillés
    TWIN DEMONS, THE PRODIGAL, BEAUTIFUL JAMES
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