Bloc Party

Bloc Party est ce genre de groupes qui traînent un peu comme un boulet leur premier album. Il faut dire que Silent Alarm a provoqué un petit séisme à sa sortie, et propulsé la bande de Kele Okereke sur le devant du rock indie, au grand dam de Liam Gallagher.

Malheureusement, pour beaucoup, la carrière de Bloc Party se limite à ce seul album. Même si A Weekend In The City sorti deux ans plus tard a pu faire quelque peu illusion, nombre de fans n'ont jamais retrouvé les frissons des débuts au fur et à mesure que l'appétence de Kele Okereke pour une approche électro devenait importante.
À mieux y regarder, si aucun des albums de Bloc Party ne peut rivaliser avec l'intensité de Silent Alarm, jamais le groupe n'est coupable d'une sortie de route totale. Chaque album contient son lot de très bons titres. Il faut se rappeler des excellents Talons et Ion Square sur Intimacy, ou de ce Different Drugs tout en nappes de claviers sur Hymns.

Malgré tout, l'ombre de Silent Alarm plane toujours, et on ne voit pas très bien comment Bloc Party pourraient se défaire de cet imposant fardeau. Cet Alpha Games ne changera pas la donne si l'ont en croit les extraits qui nous ont déjà été proposés à l'écoute. Pourtant, Le très bon Traps et sa rythmique lourde et incisive semblent montrer des velléités de retrouver l'essence des débuts. Son riff puissant laissera certainement les plus nostalgiques d'entre nous se rappeler de l'énergie sur Luno ou Helicopter. Même chose sur In Situ, Day Drinker ou Callum Is A Snake, où le groupe s'évertue à développer des morceaux courts et nerveux aux refrains imparables qui n'auraient pas dépareillé sur les premières compositions, en tous cas dans l'intention.

Mais il ne faut pas s'attendre à retrouver Silent Alarm dans son ensemble et sa densité. Avec You Should Know The Truth, Bloc Party se font plus sages, très pop, presque ennuyeux. Sur cette partition, on préféra largement la pop légère du très inspiré If We Get Caught. À ce titre, Sex Magik est aussi une référence et devrait s'imposer comme un classique. Rythmique syncopée, refrain accrocheur, mélange assez bien dosé entre l'organique et l'électronique, voici une belle réussite. Il faut également compter sur le très bon The Girls Are Fighting, physique et engageant, charpenté par la basse lourde de Justin Harris.
D'autres morceaux évoqueront ce qu'on peut trouver sur Four ou Hymns. Sur la touchante Of Thing Yet To Come, Kele Okereke quitte son chant direct pour un résultat plus lyrique. Ce morceau calme est plaisant, mais n'arrive pas à la cheville du titre de clôture The Peace Offering. Mélodie extrêmement forte, chant à la limite du parlé, il se développe et se dévoile peu à peu contrairement au reste de l'album et ses titres presque expédiés. Le travail en arpèges de Russell Lissack est absolument remarquable de simplicité et de délicatesse pour monter en puissance sur la fin. The Peace Offering marquera forcément Alpha Games.

Si certains morceaux pouvaient nous faire penser à un retour aux sources, il n'en est rien. Certes on retrouve quelques pièces nerveuses, mais l'ensemble apparaît plus comme un condensé de tout ce que Bloc Party nous proposent depuis 2005. Les titres plus pop sont représentés, ainsi que les pérégrinations électro à l'image de ce Rough Justice robotique et assez incompréhensible.
Quoiqu'il en soit, on ne pourra pas accuser les nouveaux membres de dénaturer la formation. Avec Justin Harris à la basse et Louise Bartle à la batterie, c'est une toute nouvelle rythmique qui fait avancer Bloc Party. Mais le jeu de la jeune musicienne se fond totalement dans l'esprit du groupe, et fait même penser à Matt Tong par instants. L'âme du groupe est bel et bien toujours la même, et il devient évident qu'elle émane du duo Lissack – Okereke.

Certains d'entre vous pourraient vite déchanter s'ils se sont mis en tête qu'un retour aux sources était possible. Quelques morceaux feront illusion, mais plus de quinze ans sont passées, et Bloc Party n'est plus le groupe de ses débuts et il serait temps de s'y faire. Encore une fois l'ensemble est de qualité formidablement inégale. Si vous passez outre cet aspect, vous trouverez forcément de quoi vous contenter, car vous pouvez vous passer de Alpha Games dans son tout, mais il serait dommage de louper les quelques très bons titres qu'il recèle.